Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
En libre accès, dans la limite des places disponibles
-

À la demande du public, la deuxième heure a été partiellement consacrée à une pause lexicographique. On a ainsi proposé une brève histoire des termes « vouloir », « nouloir », « volonté », « nolonté » et des concepts correspondants. Pour la « nolonté », on a évoqué les figures de Charles Renouvier (1815-1903) et de son disciple et ami Louis Prat (1861-1942) – le véritable introducteur du mot et de la notion en philosophie, pour qui la nolonté désigne la liberté entendue comme pouvoir de dire « Non ! ». Le terme a cependant une histoire avant La Nouvelle monadologie de Renouvier et Prat (1899) et Le caractère empirique et la personne de Prat, sous-titré : du rôle de la nolonté en psychologie et en morale (1905). On l’a tracée jusque chez Mirabeau, où la nolonté désigne l’absence de volonté. On a évoqué ensuite le cas des verbes « nouloir » et « noloir ». Pour ce faire, on a examiné un principe du droit coutumier d’Ancien Régime : « Femme mariée n’a ni vouloir ni noloir » (Coutume d’Arras, art. 10), ce qui a donné lieu à un excursus juridique au long cours sur la nécessité de l’autorisation maritale pour contracter, s’obliger ou ester en jugement, et sa justification philosophique supposée. Passant au latin, on a proposé une enquête centrée sur la « noluntas » dans la théologie scolastique, qui a conduit au thème de la relation entre anthropologie philosophique et christologie, plusieurs fois évoqué dans le cours. Pour fixer le cadre des recherches à venir, on a analysé un texte de Cajetan (Thomas de Vio, 1469-1534) sur la Passion, axé sur l’exégèse de Mt 26, 38 : ἐστιν ἡ ψυχή μου ἕως θανάτου, « Mon âme est triste jusqu’à la mort ». On a ainsi abordé la question des causes de la tristesse, la théorie des quatre raisons du nouloir, et celle de la nolléité (« nolleitas ») ou « vouloir conditionné » chez Duns Scot, évoquée par Cajetan. La nolléité étant à la velléité ce que le nouloir est au vouloir, on a commencé d’étudier la question de savoir si le Christ avait eu « nolleitatem mortis », « nolléité de mort » au moment d’entrer dans la Passion. Par là, s’est entamée une réflexion sur ce que j’appelle « le problème de Gethsémani », enté sur l’énoncé de Mt 26, 39 : « transeat a me calix ! » – l’épisode du Nouveau Testament connu sous le titre de « refus de la coupe ». Cette riche matière théologique a permis de poser logiquement le problème de la liberté en termes d’articulation du vouloir et du nouloir, en une série de questions inscrites dans des « complexes constitués de questions et de réponses » (au sens collingwoodien), dont les leçons suivantes auront à clarifier le statut conceptuel et préciser l’investissement doctrinal : Peut-on à un instant t, vouloir que p et nouloir que p ? Peut-on à un instant t vouloir que p et vouloir que non-p ? Sommes-nous encore libres de vouloir ce que nous noulons à l’instant où nous le noulons ? Sommes-nous encore libres de nouloir ce que nous voulons à l’instant où nous le voulons ? On a conclu sur l’annonce des thèmes à reprendre le 7 avril : le principe des possibilités alternatives et l’instant de la décision.