Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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L’heure a été consacrée à la stigmatisation de François d’Assise (1182-1226), premier stigmatisé de l’histoire, en septembre 1224, sur le Monte La Verna. Le statut du stigmate est celui de « sceau » (sigillo), selon l’expression de Dante dans le Paradis, XI, 106-108 : « Sur un âpre rocher entre le Tibre et l’Arno, // il reçut du Christ le dernier sceau, que deux ans ses membres portèrent ». L’origine de l’expression est la Légende mineure de Bonaventure évoquant « le sceau de ressemblance […] avec Jésus crucifié, […] imprimé dans le corps de son serviteur non par un effet de la nature ou de l’art, mais par la puissance admirable de l’Esprit ». La stigmatisation paraît apporter une réponse positive à l’un des problèmes philosophiques de la compassion tirés de Schlick : « Puis-je éprouver dans mon corps la douleur d’un autre ? ». En tant que réplique de la souffrance du Christ, elle est la forme littérale de la sympathie. On a évoqué d’autres formes non littérales de stigmatisation : la trace des coups de fouet reçus par Paul pour la prédication de l’Évangile (les stigmata de Galates 6, 19) ; les tatouages (« écritures de pointe ») proscrits par le Lévitique ; les « signes de sortie » des démons graphomanes affrontés par Jean-Joseph Surin (1600-1665). On a analysé le récit de la stigmatisation donné par Thomas de Celano (1200-1270) : le jeûne préalable, la nuit d’oraison, la vision du Christ séraphique aux six ailes. On a noté que l’apparition des stigmates avait lieu au moment où François « s’interrogeait avec angoisse » sur le sens de ce qu’il avait vu. On a examiné deux œuvres de Giotto (1266-1337) montrant la vision/stigmatisation de François dans sa relation au Crucifié séraphique : le retable de l’église san Francesco de Pise conservé au musée du Louvre ; la fresque de la Capella Bardi dans la basilique Santa Croce de Florence. On a évoqué ensuite la question de l’explication des stigmates. Deux hypothèses s’affrontent dès le Moyen Âge : la force de l’esprit de François qui « transparaît dans sa chair » ; l’action du séraphin christiforme dardant ses rayons sur son corps. Le rôle de l’imagination est soutenu à la fois par les médecins du xixe siècle, dont Georges Dumas (1866-1946), l’élève de Théodule Ribot (1839-1916) au Collège de France, et par Pétrarque (1304-1374) dans une lettre à Tommaso Del Garbo du 9 novembre 1366. Enfin, on s’est intéressé archéologiquement à un couple de notions : la « ressemblance » et la « conformité », introduites par Bonaventure pour penser le statut d’« image expressive du Crucifié ». L’expression figure dans une formule bonaventurienne rapportée par Pierre de Jean-Olivi (1248-1298) : « Les stigmates sont le signe de la totale transformation et conformation de François au Christ et dans le Christ ». On peut tracer le couple jusque dans la mystique allemande du xive siècle. On a conclu la leçon par un premier train de remarques sur l’interprétation théologique de la vision de François : les six ailes du séraphin et les six degrés de l’élévation de l’esprit vers Dieu selon l’Itinerarium de Bonaventure.