Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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La seconde heure a été intégralement consacrée à un bilan des recherches effectuées. Le cours nous a menés du troisième concile de Constantinople au concile de Trente. Nous avons pu, sur cette durée longue, tester l’hypothèse d’un « tournant christologique » de l’anthropologie en suivant des dossiers aussi différents que la querelle du monothélisme dans l’Antiquité tardive et celle de l’Eucharistie dans la « prémodernité ». À la question : « Quel est l’apport de l’enquête christologique et, plus largement, théologique à l’archéologie du sujet ? », on peut répondre : la mise au jour d’un fait historique occulté – l’introduction de l’union hypostatique en anthropologie ; autrement dit : l’intervention du sujet – de l’hypostase – dans la relation esprit-âme-corps (la division dite « trichotomique » de l’homme). Le cours sur le sujet de la passion a, on l’espère, permis une certaine réhabilitation archéologique de l’hypostase, contre la réduction de l’histoire de la théologie à un « savoir mineur » ou « subalterne », caractéristique d’une certaine « colonisation du Moyen Âge ». Il a aussi permis de marquer quelques étapes de l’allongement christologique du questionnaire anthropologique : des polémiques autour du Pséphos de Sergius Ier (633) aux discussions aporétiques entre réformés et luthériens au colloque de Montbéliard (1586). L’attention donnée à l’histoire du « problème de Gethsémani » a également permis de mettre l’accent sur le statut problématique des « mouvements de la chair ». En faisant du refus de la coupe l’expression d’un « mouvement de la chair » involontaire, d’une « angoisse » de niveau infra-éthique, le monothélisme se montre incapable d’affronter l’hypothèse d’un véritable conflit de volontés dans le Christ. C’est un déficit que l’on a souligné en s’appuyant sur les thèses de Maxime le Confesseur. Le potentiel anthropologique heuristique de la notion de « mouvements de la chair » ne doit pas pour autant être sous-estimé par le philosophe et l’historien de la philosophie. Le travail d’archéologie du sujet effectué dans le cadre du cours, comme l’ensemble des recherches qui l’ont précédé, mènent du sujet d’attribution au sujet d’imputation, plus précisément : au sujet considéré comme capable d’auto-imputation de ses actes comme de ses passions. De ce point de vue, ce qui se dégage du cours est que le statut volontaire ou involontaire, donc imputable ou non imputable des « mouvements de la chair » est le plus fécond historiquement des problèmes anthropologiques posés par le problème de Gethsémani : c’est lui qui, historiquement, a permis la production de concepts, de distinctions, de problèmes nouveaux, dont il a lesté la tradition aristotélicienne dominante durant le Moyen Âge tardif. En guise de confirmation, on a proposé au public une brève évocation de trois « percées » philosophiques occasionnées par la réflexion sur le statut des mouvements de la chair : la théorie des préaffects ; la théorie jésuite de « l’advertance de raison » ; la condamnation de la « délectation morose ». On a ainsi successivement évoqué la « prépassion », propatheia, propassio, antepassio, dans la tradition stoïcienne et sa reprise médiévale : d’Augustin à Pierre Lombard, avec la théorie des « mouvements premiers », dans le cadre de la réflexion théologique sur le « péché de sensualité ». On a ensuite évoqué la polémique du GrandArnauld avec les jésuites sur l’advertance de raison et la querelle du « péché philosophique ». Enfin, on est passé de l’advertance de raison à la question de la délectation morose, en articulant les deux thèmes sur le rapport de la différance au sens derridien du terme et du péché.