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Le cours de cette année a prolongé celui de l’année précédente sur la gouvernance par les nombres. Cette gouvernance partage avec le gouvernement par les lois l’idéal d’une société dont les règles procèdent d’une source impersonnelle et non pas de la volonté des puissants. C’est cet idéal que Platon dépeignait en évoquant une cité dans laquelle « c’est la loi qui régnait souverainement sur les hommes, au lieu que les hommes fussent les tyrans de la loi ». Mais comme le dit aussi clairement cette formule, dans ce mode de gouvernement, la loi « règne souverainement ». Autrement dit, elle représente une instance hétéronome, et cette hétéronomie est la condition première de l’autonomie dont jouissent les hommes qui vivent sous son règne. Au contraire, la gouvernance par les nombres traite la société comme une machine, régie par des règles impersonnelles immanentes à son fonctionnement. Autrement dit, comme une société purgée de toute hétéronomie, animée par un programme inhérent à son être. Sa principale caractéristique consiste donc à liquider l’hétéronomie du droit, en en faisant un simple instrument de mise en œuvre d’une rationalité par le calcul.

Une telle volonté d’effacement de l’hétéronomie remet nécessairement en cause la soumission des rapports de droit privé à un ordre public garant de l’intérêt général. Cette remise en cause est souvent décrite en termes de « privatisation » du pouvoir et des normes. Or réduire ces transformations à un processus de privatisation, ce serait admettre, sans même l’avoir discutée, l’hypothèse selon laquelle un ordre juridique pourrait se réduire à un pur système de droit privé, peuplé de particules contractantes et régi par le calcul. L’analyse juridique permet de mettre en lumière une situation plus complexe, d’hybridation du public et du privé, qui se donne à voir dans la généralisation de liens d’allégeance entre les personnes.

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