Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Le titre Du côté de chez Swann était hardi pour les lecteurs de 1913. Fréquent dans « Combray » pour signifier le noyau familial, le syntagme figé « chez nous » est une expression doublement populaire puisqu’il s’agit d’une expression familière et qu’elle désigne une communauté. Proust était sensible à l’abus de « chez nous » dans un sens patriotique et chauvin, comme le montrent plusieurs passages de la Recherche (RTP, I, 456, II, 543, IV, 373).

En ce qui concerne la préposition « du côté de », on trouve un exemple énigmatique au début de « Combray » où le narrateur décrit le père « avec le geste d’Abraham dans la gravure d’après Benozzo Gozzoli que [lui] avait donnée M. Swann, disant à Sarah qu’elle a à se départir du côté d’Isaac » (RTP, I, 36). Une telle scène ne se trouve ni dans la Genèse ni dans les fresques du peintre florentin au Campo Santo de Pise.Proust confondait-il, comme on l’a soutenu, avec le sacrifice d’Isaac ? En tout cas, il n’y aurait pas d’ambiguïté sémantique dans l’expression « se départir de », malgré ce que certains ont soutenu (se séparer de ou aller en direction de). En revanche, on trouve une occurrence semblable et fort intéressante – qui ne résout pourtant pas le mystère du texte de Proust – dans François le Champi (1850) de George Sand, que la mère lit au héros juste après le passage en question (RTP, I, 41) : « se départir de l’enfant de son cœur ». La coïncidence semble n’avoir jamais été relevée.

Plus loin, dans « Un amour de Swann », on lit : « ayant prévenu M. de Charlus qu’en quittant de chez Mme de Saint-Euverte il rentrerait directement chez lui » (RTP, I, 337). Il s’agit là encore d’un parler un peu ancien ou familier pour signifier « partir de », dont on trouve quelques exemples assez rares dans la langue contemporaine. On lit par exemple dans la Mort à crédit (1936) de Céline : « En quittant de chez lui ».