Présentation de la chaire

La chaire d'Antiquités nationales fut créée en 1905 dans un contexte bien particulier.

L'Université ne s'intéressait qu'aux civilisations « classiques » : le Moyen Orient (Égypte et Mésopotamie), la Grèce et Rome. En dépit de l'attention portée, depuis Louis-Philippe et surtout Napoléon III, aux Gaulois et aux vestiges gallo-romains, aucun enseignement ne leur était consacré. Pourtant, l'antagonisme franco-allemand, exacerbé depuis la guerre de 1870, agitait les milieux politiques et culturels. Romans, poèmes, pièces de théâtre, opéras, mettaient sur le devant de la scène « nos ancêtres les Gaulois » et faisaient de Vercingétorix un héros, tandis que les Allemands glorifiaient Arminius.

Camille Jullian était né en 1859. À onze ans, lycéen à Marseille, il avait écouté son professeur d'histoire évoquer les sinistres événements qui se déroulaient sur le front de l'Est. Le professeur avait à la main la Guerre des Gaules de Jules César. Les Allemands, c'étaient les Romains. Les Français, c'étaient les Gaulois. Jules César : Bismarck. Vercingétorix : Gambetta. Jullian, le premier, voulut ancrer l'histoire de la Gaule dans l'enseignement supérieur. L'Université s'y refusant, le Collège de France l'accueillit – alors qu'il était en concurrence avec... Durkheim ! Geste fort et symbolique : la guerre de 1914 n'était pas loin. De 1907 à 1914, Jullian fit paraître les quatre premiers volumes de sa grande Histoire de la Gaule. Durant la guerre, ses cours furent inspirés par un patriotisme, que l'on qualifie aujourd'hui trop facilement de « nationaliste ». Il écrivit ensuite quatre autres volumes de son Histoire de la Gaule. Il mourut en 1933.

Jullian avait conféré une extraordinaire aura à l'enseignement de l'histoire de la Gaule (toujours ignorée à l'Université). Albert Grenier (de 1935 à 1948), puis Paul-Marie Duval (de 1964 à 1982) se placèrent plus ou moins sous son patronage, tout en donnant à leurs chaires des intitulés différents.

Lorsque, en 1984, je fus élu au Collège, j'ai tenu à reprendre le vieil intitulé de Jullian « Antiquités Nationales ». Pour des raisons différentes des siennes : parce que les travaux qui transformaient nos villes et nos campagnes (remodelages des centres urbains, parkings, autoroutes, TGV, et tant d'autres) ravageaient notre patrimoine archéologique. On tuait nos « antiquités nationales ». Comme Jullian dénonçait l'indifférence au passé de la France, je voulais attirer l'attention sur le massacre qui se produisait. C'était il y a vingt ans. Depuis lors, le massacre a été interdit par la loi, l'archéologie française a beaucoup évolué, même si nous sommes loin encore d'une situation idéale, ni même satisfaisante.

Depuis que je l'occupe, la chaire des Antiquités nationales se donne deux missions :

  1. Tenter de faire avancer l'analyse et la réflexion sur des sujets qui mettent en relation la Gaule et notre monde actuel. Que veut dire « la Gaule », comment est-elle née, qu'était-elle ? Quel fut le rôle du conquérant (César) ? Comment se sont créés des mythes, des images, des héros ?
  2. Faire connaître les découvertes récentes, à partir des chantiers, des publications ou des expositions, faire venir à mes séminaires les responsables des principales opérations archéologiques, inviter aussi des collègues étrangers spécialistes du « monde celtique ». Les confrontations permettent de réfléchir sur les méthodes et les conclusions.

L'Inrap est un établissement public administratif de recherche sous tutelle des ministères chargés de la culture et de la Recherche. Son rôle est de préserver et d'étudier scientifiquement le patrimoine archéologique national menacé par des opérations d'aménagement du territoire en réalisant des diagnostics et des fouilles, puis de diffuser les résultats de ces travaux.