Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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La première leçon a d’abord rappelé les exigences d’une connaissance métaphysique de la nature : contourner nos illusions sur les modalités et sur le réalisme ; fixer les règles de la méthode d’analyse conceptuelle, le rôle de l’a priori et de l’intuition ; passer à l’étape a posteriori, en mettant l’analyse conceptuelle au contact des sciences ; dire, afin de parvenir à une métaphysique scientifique non scientiste, ce que sont les engagements du métaphysicien : comment il doit pouvoir défendre un réalisme sans souscrire au « réalisme métaphysique », et pourquoi son engagement réaliste implique le réalisme scientifique et une forme d’« humilité raisonnée ». On a dégagé cinq caractéristiques de la métaphysique réaliste dispositionnelle ainsi mise en place : une forme de réalisme non pas « métaphysique » mais scolastique (inspiré des médiévaux) et dispositionnel ; un réalisme sémantique – supposant qu’il y a des universaux réels, mais non que tous les universaux sont réels : le réel est ce qui « signifie » quelque chose de réel – obligeant à clarifier le concept de causalité, à déterminer la signification de nos attributions dispositionnelles, à comprendre pourquoi la réduction des attributions dispositionnelles à des conditionnels est inopérante, et pourquoi les énoncés de réduction ne peuvent exprimer « tout » ce que signifient les prédicats dispositionnels ; un réalisme des propriétés réelles et pas seulement des prédicats, reposant sur un critère causal d’existence : un réalisme scientifique (et non instrumentaliste) qui admet, à titre d’hypothèse abductive appelée par la nécessité explicative de la science, certains universaux réels ; un réalisme essentialiste (non pas substantialiste) mais « mince », dynamique et relationnel ou structurel obligeant à une redéfinition et de l’essence (conçue, non plus comme quiddité statique, pure espèce naturelle, simple faisceau d’habitudes mais comme une disposition-habitude) et de la causalité elle-même (non seulement efficiente mais finale ou intentionnelle) et des lois : les dispositions trouvent leur intelligibilité dans la nécessité conditionnelle des lois, mais les lois ne sont une description vraie du monde que pour autant qu’elles se fondent dans ce que les choses peuvent faire (au sens de possibilia réels métaphysiquement nécessaires bien que découverts a posteriori). Ont alors été rappelés les difficultés et enjeux que doit affronter une métaphysique des espèces naturelles en faisant retour sur l’histoire proposée par Ian Hacking (cours du Collège de France 2001-2006) du concept de « natural kind », sa traduction problématique (espèces, sortes, groupes naturels ?) la variété d’appréciation quant aux motifs d’importance des classifications – stabilité (P. Duhem), création (Nietzsche) –, les différents niveaux de difficulté selon qu’il s’agit des sciences de la nature ou des sciences humaines. La métaphysique des espèces naturelles se réduit-elle à un problème de « classifications » naturelles, et peut-on considérer que « les classifications naturelles n’existent pas » (cf. Hacking, 2006, dernier cours au Collège de France) ? Les espèces naturelles sont-elles simplement des fictions, des créations (certes « pertinentes »), mais non « naturelles », de notre esprit ? Après avoir évoqué, d’une part, les résultats de l’analyse conceptuelle menée l’an passé, concernant les mauvais critères d’identification des espèces naturelles (ressemblance, succès inductif ou prédictif, critères a priori, sémantiques), d’autre part, les principaux acquis de l’examen de l’histoire médiévale, moderne et contemporaine de la question (Duns Scot, Locke et Leibniz), on a rappelé quelles étaient, à ce stade, la portée et les limites du nominalisme, du conceptualisme face à une perspective réaliste, et déterminé le programme des principales questions à approfondir : quels rapports entre espèces et essences ? Quelle « connaissance » susceptible d’être revendiquée, à ce stade de l’enquête ?