Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Le premier cours (2 mars 2016) a inscrit l’examen des vertus épistémiques dans le prolongement des cours sur « la valeur de la connaissance » (2011) et sur « la connaissance pratique » (2015) qui avaient conclu au rejet d’une opposition tranchée entre connaissance théorique ou propositionnelle et connaissance pratique ou savoir faire : la connaissance ne se réduit ni à la « contemplation » de faits, propositions, maximes, principes et vérités, excluant émotions et sentiments, ni au « sens », à la « compréhension », à des aptitudes, dispositions, capacités « incorporées » et « situées ». L’intellectualiste « mesuré » voit dans toute connaissance, théorique et pratique, une enquête, conçue moins sur le mode de questions et de réponses que comme un va-et-vient de croyances mises en doute par de solides raisons (le choc provoqué par un réel récalcitrant) vers des croyances fixées, au moins temporairement, que l’agent ainsi engagé contrôle, critique, est prêt à rejeter, son seul guide étant le réel, non ses goûts ou préférences, et encore moins telle autorité familiale, communautaire, religieuse ou politique. Différente de l’« habituation », du simple truc ou « tour de main » fait de « chique », comme de l’expertise, la connaissance s’apparente plutôt à une performance dynamique, sinon fondée ou parfaitement justifiée, à tout le moins fiable et dotée d’une certaine garantie, dont on doit viser le succès. L’agent épistémique est comme l’archer face à sa cible qui tâche de comprendre comment il est le mieux à même « d’atteindre ce qu’on doit » (Éthique à Nicomaque, I, 1094a, 20-25) : il lui faut être précis, adroit, bien ajusté, mais aussi précis parce qu’adroit. L’acte de connaissance est « une sorte de succès issu de l’aptitude » (E. Sosa), bref, une certaine excellence, ou vertu. Autant que sur le contenu de ce qui est cru, il faut donc porter le regard sur celui qui croit, sur l’agent de la connaissance et sur les vertus (facultés ? traits de caractères ?) qu’il doit avoir. Car « suivre parfaitement la vertu », c’est, pour le « généreux » cartésien ou le « magnanime » aristotélicien, non pas dresser une liste de vertus, être un âne de vertu, mais établir ce qu’il faut savoir et comment, pour penser : ainsi entendue, la vertu est indissociable, non pas de la morale, mais d’une éthique de la pensée. D’où l’importance d’une réflexion sur ce qui pourrait constituer les conditions de possibilité d’une authentique éthique intellectuelle.