Amphithéâtre Maurice Halbwachs, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

La question de savoir où commence le présent et où il se sépare du passé était très pressante à l’époque augustéenne, partagée entre tradition et innovation, et se posait dans tous les domaines – la poésie (Hor., Ep. ad Augustum, 2, 1), la rhétorique (Tac., Dial., 19), les techniques (Plin., N.H., 14, 2-6), mais aussi à propos du droit. Une distinction fut alors opérée entre les veteres et les juristes récents. Mais établir qui étaient ces veteres, ces « Anciens », nous pose un problème d’interprétation. Selon la nature du texte et le contexte, la signification de veteres peut varier. Dans leurs écrits, les juristes se réfèrent 48 fois par ce mot à leurs prédécesseurs, parmi lesquels 11 juristes sont évoqués nominativement. Cela suppose que les auteurs pouvaient distinguer ceux qui faisaient partie des veteres de ceux qui n’en étaient pas : ils constituaient un ensemble déterminé de juristes. En particulier, Gaius (Inst., 1, 188) rapporte une controverse qui avait divisé les veteres ; il cite à cette occasion Q. Mucius Scaevola (consul en 95 av. J.-C.), Ser. Sulpicius Rufus (consul en 51 av. J.-C.) et M. Antistius Labeo (contemporain d’Auguste) comme appartenant à ce groupe. Si Labéon fut ainsi le dernier des veteres, le premier des contemporains fut Masurius Sabinus, qui eut son floruit sous Tibère et Néron. C’est ce que confirment en particulier Ulpien (D., 12, 5, 6) et Paul (Fr. Vat. 1). Sabinus est donc bien le terminus antiquitatis, la fin de l’antiquité et le début du présent de la jurisprudence romaine. D’origine modeste, il a exercé une activité d’enseignement rémunérée, en rupture avec le profil des juristes précédents. Son œuvre majeure, les tres libri iuris civilis, devint le texte jurisprudentiel par excellence et fut amplement commenté par les juristes des IIe et IIIe siècles (Pomponius, Paul et Ulpien). Ses opinions formèrent une sorte de canon. Enfin, c’est à son époque que s’amorce la polarisation en deux « écoles » (scholae) qui prirent pour chefs justement Sabinus et Cassius pour l’une, Nerva le Père et Proculus pour l’autre. L’époque augustéenne fournit un contexte favorable à cette rupture. L’empereur conféra la faculté de donner des réponses au public (publice respondendi ius) à quelques juristes : le droit entrait ainsi dans la sphère patronnée par le prince, à l’instar des arts ; il était même à ses pieds, comme le montre l’image de l’aureus de 28, évoqué dans le cours 7. Sabinus, bien qu’il ne paraisse pas l’avoir revendiqué explicitement, fut conscient de ce tournant, comme le montre l’usage qu’il fait des termes d’antiquus/ antiquitas pour définir le rapport entre le présent et certaines institutions qu’il ressentait comme révolues (Ulp., D., 9, 2, 27, 21 ; Aulu-Gelle, 5, 19, 11, où il définit l’adrogatio de l’esclave comme une vieillerie parce que ne correspondant plus à la législation augustéenne).