Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

Les suites de l’événement supposé « heureux » ne s’accordaient pas forcément avec cette épithète. Le bilan humain était lourd : 6 000 à 7 000 morts, jusqu’à 15 000 bannis. La vie à Istanbul s’était pratiquement arrêtée ; abasourdie et épouvantée, la population se terre, craignant à tout instant d’être victime de l’ire impériale. Celle-ci avait frappé bon nombre d’individus, jugés coupables par association, à commencer par l’ordre hétérodoxe des Bektachis, proche des janissaires et dont les couvents furent fermés et confisqués, et les derviches exilés et parfois exécutés. L’historiographe Şanizade Ataullah Efendi, dont nous avons vu l’année dernière l’étrange plagiat de Voltaire, fut exilé pour ses sympathies supposées et mourut d’apoplexie lorsqu’on lui annonça que le sultan l’avait gracié. Le sultan est tiraillé entre l’ivresse du pouvoir et la crainte d’un attentat. Il se produit de plus en plus en public, mais ces bains de foule sont parfois l’occasion de réactions presque paranoïaques, comme lorsqu’il fait arrêter un individu dont l’attitude et le regard lui avaient paru suspects.

L’attention de l’État se porte tout particulièrement sur les lieux publics jugés dangereux : les cafés, les bains, les tavernes sont fermés, puis rouverts, constamment surveillés, et leur contrôle, relevant traditionnellement des janissaires, est confié à des troupes dont la fidélité a été constatée. Le palais et le gouvernement restent sur le pied de guerre et l’étendard sacré du Prophète n’est ramené au palais qu’un mois et demi après l’événement, signe d’un timide début d’accalmie. Les exécutions sommaires continuent et la terreur règne, alimentée par des rumeurs de mahonnes chargées de corps allant déverser leur cargaison dans la mer.