Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
En libre accès, dans la limite des places disponibles
-

Résumé

L’action de Mahmud II dans les années qui suivent l’abolition et la destruction du corps des janissaires s’inscrivent dans deux dynamiques fondamentales. La première, plus traditionnelle, consiste à vouloir réformer l’État, en accroissant la performance et l’efficacité de l’armée et, jusqu’à un certain point, de l’administration, surtout fiscale. En cela, il ne se distingue pas vraiment de certains de ces prédécesseurs, notamment de Selim III, dont le « Nouvel Ordre » visait des objectifs similaires. Mahmud II se distingue de cette tentative malheureuse par le succès qui couronne sa propre entreprise, mais surtout par l’ampleur et la nature radicale de son projet de réforme. Il ne s’agit pas simplement de réformer l’appareil militaire et bureaucratique, mais de reformer le système, dans le sens d’une refonte presque totale de l’État. C’est pourquoi il convient de lui attribuer un caractère révolutionnaire, tout en soulignant, bien sûr, que cette révolution tient souvent du chamboulement et qu’elle se fait par le haut, par des moyens coercitifs, parfois violents. Le sultan se place lui-même au centre de ce processus : il se met en scène, donnant l’exemple et s’engageant personnellement dans les principales péripéties du projet. Nous l’avons vu, il se démarque en cela de la tradition des sultans « cachés » ou invisibles et devient lui-même un porteur de symbolisme et de modernité.

Sans surprise, la refonte de l’État commence par l’armée, qui est au centre même des événements. C’est elle qui a anéanti les janissaires ; c’est elle qui deviendra le premier cobaye du projet, tant par son organisation, par son entraînement et, bien sûr, par le costume à l’européenne que le sultan lui-même endosse dès le lendemain de l’« Heureux Événement ». La présence et la visibilité du sultan gagnent en intensité et atteignent bientôt des proportions inouïes. En 1827, celui-ci s’embarque à bord d’un bateau à vapeur et se rend en Crète, marquant ainsi sa différence de ses prédécesseurs qui ne quittaient que très rarement le palais. Il récidivera, réalisant ainsi six voyages impériaux qui le mènent à Rodosto/Tekirdağ (1830), à Andrinople/Edirne (1831), à Nicomédie/İzmit (1833 et 1835) et jusqu’en Bulgarie (1837).