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Au tournant de notre ère et dans des circonstances qui demeurent obscures, des milieux brahmaniques orthodoxes mettent en place un dispositif cosmologique, celui des quatre « âges » (yuga), que rien ne remplacera plus dans l’imaginaire indien. Le système trouve des expressions abouties dès les fameuses Lois de Manu (Manusmṛti, IIIe siècle), certaines sections récentes du Mahābhārata (IIIe siècle ?) et les couches les plus anciennes des Purāṇa (« récits d’antiquités », IIIe-IVe siècle). Selon cette conception, tout « microcycle » cosmique (une période d’environ douze mille ans) se compose de quatre âges successifs, de l’« âge d’or » (kṛtayuga) à l’« âge de la discorde » (kaliyuga ;la nomenclature des quatre âges est empruntée à celle du jeu de dés, du coup gagnant au coup perdant), ponctué lui-même d’un yugānta ou fin du dernier âge. Dans sa valorisation purement cosmologique, ce modèle quaternaire se limite à une description de la dégradation religieuse (avant tout rituelle), morale, intellectuelle et physique de l’humanité. Le dispositif ne tarde toutefois pas à fournir un cadre à l’eschatologie brahmanique et à alimenter des prédictions apocalyptiques dont la plupart s’interprètent sans trop de mal comme autant de prophéties ex post facto décrivant un environnement socio-religieux, moral, politique et économique en crise. Y foisonnent fillettes enceintes, imposition excessive des brahmanes, rois impies, explosion des hérésies, joug étranger, inversion du cycle des saisons, mélange des castes, femmes infidèles et autres infamies.