Salle 5, Site Marcelin Berthelot
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En 1773, le roi de Suède Gustave III (1746-1792) fonde l’Opéra de Stockholm, institution qui existe encore aujourd’hui. Il vient de restaurer un pouvoir royal fort par un coup d’État. Les deux entreprises vont de pair : l’opéra « gustavien » exalte une monarchie qui s’affirme éclairée. La conférence a présenté la création de l’opéra suédois par Gustave III, réalisation dans laquelle la personnalité du roi, passionné de théâtre et auteur dramatique de talent, s’allie à la volonté politique du monarque. L’étude repose sur un travail de reconstruction à partir de documents d’archives, que nous avons exposé dans le livre Svenska operans födelse (La Naissance de l’opéra suédois, Stockholm 1998), en collaboration avec la musicologue Anna Ivarsdotter. Dans la création de la scène nationale suédoise, la France joue un rôle primordial. L’opéra « gustavien » est taillé sur le modèle de la tragédie lyrique qu’a rencontrée le prince Gustave lors de sa visite à Paris en 1771, faisant une large part aux chœurs, aux ballets, au « merveilleux », aux machines de théâtre. La France fournit décorateurs (Louis-Jean Desprez surtout, artiste visionnaire) et chorégraphes – les compositeurs, par contre, sont italiens ou allemands. Les livrets suédois sont souvent fondés sur des textes français. Pour l’inauguration de l’Opéra de Stockholm en 1773, Gustave III se tourne vers la France de Louis XIV, adaptant le livret par Fontenelle de la tragédie en musique Thétis et Pelée (1689). Dans l’opéra « péruvien » Cora och Alonzo (Cora et Alonzo, 1782), le livret est basé sur le roman philosophique de Marmontel, Les Incas (1777), mais le texte français est vidé de son potentiel critique. Dans l’opéra gustavien, texte, musique et décors se conjuguent pour éveiller les affects des spectateurs et faire passer un message politique. La rhétorique classique offre ici une piste d’exploration : encore au xviiie siècle, elle constitue un cadre pour les théoriciens de l’opéra comme pour les librettistes et les chanteurs ; elle influence les techniques de composition des musiciens. Dans l’opéra historique Gustaf Wasa, représenté en 1786, à l’heure où Gustave III prépare une guerre contre le Danemark, les vers du poète suédois Johan Henric Kellgren, la musique de l’Allemand Johann Gottlieb Naumann et les décors du Français Desprez s’unissent pour susciter l’enthousiasme des spectateurs envers la politique royale.