La nanochimie constitue un domaine d’étude considérable. À la fois car les nanoobjets (nanofils, nanotubes, nanoparticules, nanofibres, nanocouches, etc.) possèdent des propriétés uniques et également en raison des applications très importantes (capteurs, catalyse, mémoire et électronique moléculaires, batteries/piles, etc.) qui découlent de leur étude. Dans ce cours, on illustre cette recherche en discutant de quelques résultats originaux récents concernant des nanofils conducteurs de courant électrique. Plus particulièrement, on s’intéresse à une nouvelle classe de nanofils, assemblages hybrides comportant des éléments biologiques (ADN, protéine, etc.), les supports, sur lesquels on dépose ou on fixe des éléments métalliques, conférant les propriétés de conduction. Par exemple, certaines protéines, dans certaines conditions, possèdent une tendance à s’agréger, grâce à un domaine appelé « prion », de façon organisée pour donner ce qu’on appelle des fibres amyloïdes. Le contrôle de cette agrégation peut conduire à des nanofibres ou des nanofils qu’il est possible de fonctionnaliser par exemple par dépôt de métaux (conducteurs) comme l’or, l’argent ou le platine. Les nanobiofils conducteurs artificiels qui en découlent ne sont pas sans rappeler les fils protéiques naturels utilisés par certaines bactéries pour communiquer entre elles ou pour respirer sur des oxydes métalliques peu abondants. Ces derniers sont des extensions de la membrane externe de la cellule qui comportent en surface un grand nombre de protéines de transfert d’électrons (cytochromes) qui assurent un transfert d’électrons à longue distance.
Inspirés par cette structure inédite de conducteurs biologiques, un consortium grenoblois a mis au point un nanofil protéique conducteur original, obtenu grâce à une ingénierie protéique permettant de combiner au sein de la même protéine un domaine prion et un domaine de type rubrédoxine (Nature Chemistry, 2017, vol. 9, p. 157). Le premier est responsable de l’organisation de la protéine chimère en nanofibres/nanofils tandis que le second, réparti tout le long du fil ou de la fibre, assure une conduction électrique efficace grâce à l’atome de fer qu’il contient. D’ores et déjà, ce matériau, le premier fil conducteur de synthèse purement protéique, est utilisé au sein de bioélectrodes, associé à des enzymes (laccase pour la réduction de l’oxygène). Cet exemple est discuté en détail pour illustrer la démarche de la chimie bioinspirée et le potentiel de ces nanoobjets protéiques, biocompatibles et biodégradables.