Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
En libre accès, dans la limite des places disponibles
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Si « l’histoire est cet effet de songe laborieux par lequel nous nous soulevons de la nuit au jour, de la mort à la vie » (Jules Michelet, « Avenir ? Avenir ? », 1842), alors une réflexion historique sur la puissance fictionnelle de la tyrannie peut nous permettre d’envisager les tyrannies d’aujourd’hui. L’enquête reprend donc devant le tyran attirant peint par Ambrogio Lorenzetti dans le palazzo pubblico de Sienne en 1338 : porte-t-il un masque ou vient-il d’être démasqué ? La question d’un pouvoir qui se caricature lui-même pour désarmer par avance toute possibilité de critique subversive pose la question des rapports entre pastiche et postiche, question sur laquelle on reviendra à la toute fin du cours. Mais, pour l’heure, cette première séance introductive se poursuit par un effort de définition, prenant notamment en compte les travaux de la critique littéraire sur fictio et figura, entre théories artéfactuelles et risques du panfictionnalisme. On propose une critique déflationniste de la fiction comme mise en tension d’une expérience de pensée, entre le pôle mimétique et le pôle axiomatique. Dès lors, la fiction politique peut être définie comme une forme narrative de théorie de la politique ou, avec Michel Foucault, une épreuve de pensée qui, depuis le passé, produit des « effets de vérité » sur l’aujourd’hui et éclaire la politique à venir.

Sommaire

  • « Ce n’est pas vrai, c’est pire » : comment recommencer ?
  • Du cours de 2016 (« Souvenirs, fictions, croyances ») à celui de 2017 (« fictions politiques »)
  • D’un livre à l’autre, chercher le passage
  • Le livre des passages, Walter Benjamin lecteur de Michelet
  • L’histoire est « cet effort de songe laborieux par lequel nous nous soulevons de la nuit au jour, de la mort à la vie » (Michelet, « Avenir ! Avenir ! », 1842)
  • Retour à Sienne : une femme qui « rêve d’avance ceux qui vont venir »
  • De l’autre côté, le masque du tyran, visage de la séparation
  • Démasquer la tyrannie, démaquiller le réel : d’Eugène Atget à Charlie Chaplin
  • Brève histoire des clowns maléfiques
  • Politique de la laideur et politique du faux, pastiche et postiche
  • Les fictions qu’on adore détester : aux origines de la télé-réalité (Bernard Lahire, La culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi, Paris, 2004)
  • Fiction politique et politique-fiction : quand Guy Debord prophétise davantage qu’il ne décrit La société du spectacle (1967)
  • Dévisager le tyran, envisager la tyrannie
  • Quand des Siennois partent à Arezzo pour célébrer la comune in signoria : le monument funéraire de Guido Tarlati (m. 1327), évêque et seigneur
  • Dante et l’épître à Cangrande della Scala (1316)
  • Le héros cavalier rit de sa victoire : « il nous a bien eus, et voilà tout » (« Un tyran attirant », Critique, 823, décembre 2015, p. 933-947)
  • Le tyran attirant, c’est la puissance fictionnelle elle-même
  • Tout pouvoir est pouvoir de mise en récit
  • Quand le seigneur de Milan Bernabò Visconti (m. 1385) devient, de son vivant même, un personnage de fiction (« “Bien qu’il fût cruel, il y avait dans ses cruautés une grande part de justice” : l’étrange popularité littéraire d'un justicier sans pitié, Bernabò Visconti », dans Olivier Mattéoni et Nicolas Offenstadt dir., Un Moyen Âge pour aujourd’hui. Mélanges offerts à Claude Gauvard, Paris, PUF, 2010, p. 63-71)
  • Qu’est-ce que la fiction ? Les théories artéfactuelles et les risques du panfictionnalisme (Françoise Lavocat, Fait et fiction. Pour une frontière, Paris, 2016)
  • Fictio et figura : la figure est une « esquisse de fiction » (Gérard Genette, Métalepse. De la figure à la fiction, Paris, 2004)
  • Une définition déflationniste de la fiction (Olivier Caïra, Définir la fiction. Du roman au jeu d’échecs, Paris, 2011) et la mise en tension d’une expérience de pensée, entre le pôle mimétique et le pôle axiomatique
  • « Une fiction artistique demande à être reconnue comme fiction pour fonctionner correctement » (Jean-Marie Schaeffer, Pourquoi la fiction ?, Paris, 1999)
  • Dans « fiction politique », l’adjectif renvoie-t-il à la ou à le politique ?
  • L’anthropologie politique de la Grèce ancienne et « le double mouvement d’apparition et d’occultation du mode d’institution de la société » (Claude Lefort, Essais sur le politique, XIXe-XXe siècles, Paris, 1986)
  • Au total, une fiction politique est « une forme narrative de théorie de la politique » (Emmanuel Bouju et Emily Apter)
  • Au Moyen Âge : romans à clefs (Le Roman de Fauvel) et songe politique : il me fus avis que je vois
  • À quoi sert le rêveur ? L’hypothèse de Christiane Marchello-Nizia
  • Se choisir un guide privilégié : Michel Foucault, « Je n’ai jamais écrit que des fictions »
  • Écrire une fiction pour mettre la pensée à l’épreuve du réel (Luca Paltrinieri, L’expérience du concept. Michel Foucault entre épistémologie et histoire, Paris, 2012)
  • « L’homme ne sait au fond ce qu’il peut penser ; la fiction est là pour le lui apprendre » (Philippe Sollers, « Logique de la fiction », 1963)
  • Foucault lecteur de Ludwig Binswanger et de Maurice Blanchot : « non pas faire voir l’invisible, mais à faire voir combien est invisible l’invisibilité du visible »
  • L’arrière-fable de Jules Verne et la puissance critique de la fiction chez Borges
  • Michel Foucault encore : « induire des effets de vérité avec un discours de fiction » pour fictionner « une politique qui n’existe pas encore à partir d’une vérité historique »