Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Entre alternative facts et vérités hyperboliques, la confusion des temps repose aujourd’hui à nouveau frais l’angoissante question de la croyance politique. La séance est consacrée à une analyse comparée des Rois thaumaturges de Marc Bloch (1924) et du Frédéric II d’Ernst Kantorowicz (1927) dans leur manière d’articuler savoirs médiévistes et hantises politiques du contemporain. Celles-ci viennent notamment de l’expérience de la Grande Guerre, qui amène Marc Bloch à traiter « l’éclat trompeur des rois » comme l’on dénonce les « bobards » des tranchées : « aussi est-il difficile de voir dans la foi au miracle royal autre chose que le résultat d’une erreur collective ». La notion de fiction politique permet de résoudre la difficulté, et l’on suit alors Kantorowicz critique de lui-même et des enthousiasmes théologico-politiques de sa jeunesse dans Les Deux Corps du roi (1954). La conception que les juristes médiévaux se font des opérations du droit créant une persona ficta (« la fiction prend pour vrai ce qui est certainement contraire au vrai » selon Cino da Pistoia) permet de donner consistance à cette position théorique, tout en s’interrogeant sur la révolution normative du christianisme qui s’exprime par le récit plutôt que par le commandement.

Sommaire

  • Au seuil d’une histoire des effets de vérité
  • … And giving it back to you, the [American] people : la fiction, avant la proclamation
  • « Le rouage du grotesque dans la mécanique du pouvoir » (Michel Foucault, Les anormaux)
  • Alternative facts et vérité hyperboliques : lectures médiévales d’une cérémonie d’investiture aux États-Unis
  • Rappels sur l’histoire philosophique du scepticisme médiéval
  • Andar drieto… : traductions et déviations
  • « Il vaut mieux parler selon la vérité de la chose que selon ce que le vulgaire s’en imagine » (Nicolas Amelot de la Houssaye, 1683)
  • We, the people of United States (1776) : la religion civile américaine d’après Robert Bellah et Emilio Gentile
  • Aux origines de l’adage Vox populi, vox dei (Alain Boureau)
  • « Et il ne faut pas écouter ceux qui disent “Vox populi vox dei” car l’agitation bruyante du vulgaire est toujours proche de la folie » (lettre d’Alcuin à Charlemagne, 778)
  • La tradition anglaise jusqu’à la déposition d’Edouard II (1327)
  • Guillaume de Malmesbury (1125) ou la levée de la dénégation : « De notre temps, quelques-uns se servent de ces miracles pour une œuvre de fausseté… »
  • Marc Bloch, Les rois thaumaturges (1924), au carrefour de la naissance des sciences sociales (Thomas Hirsch, Le temps des sociétés, Paris, 2016)
  • Comparatisme, sociologie durkheimienne et trouble épistémologique au temps des révolutions de la physique (Otto Gerhard Oexle et Enrico Castelli-Gattinara)
  • Une double expérience : l’affaire Dreyfus et la Première Guerre mondiale
  • Nicolas Mariot, Tous unis dans la tranchée ?, Paris, 2013 : Marc Bloch, Robert Hertz et Jean-Norton Cru
  • Marc Bloch, « Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre » (1921) : « Ainsi, au front, on voyait le même homme, alternativement, accepter bouche bée les récits les plus fantaisistes ou repousser avec mépris les vérités les plus solidement établies »
  • Des bobards de la Grande Guerre à « l’éclat trompeur des rois »
  • « Aussi est-il difficile de voir dans la foi au miracle royal autre chose que le résultat d’une erreur collective »
  • Ernst Kantorowicz et Marc Bloch : lire pour se délier, apprendre pour se déprendre
  • De Frédéric II (1927) à Les deux corps du roi (1954) : rompre le charme du théologico-politique
  • Au « fondement sauvage du politique » (Pierre Legendre) : les Laudes regiae et le pouvoir comme objet d’acclamation
  • La double corporéité des rois, une fiction qui se retourne contre la royauté
  • Le Richard II de Shakespeare, ou la « tragédie des deux corps du roi »
  • « Vous pouvez me destituer de ma gloire et de ma puissance, mais non de mes chagrins ; je suis toujours roi de ceux-là » (IV, 1)
  • La défaite du corps, ou « l’interminable épreuve de la désincorporation » (Myriam Revault d’Allones, Le miroir et la scène. Ce que peut la représentation politique, Paris, 2016)
  • Fictions négatives et fictions positives dans le droit romain (Yan Thomas, Les opérations du droit, Paris, 2008)
  • Artifices, forgeries et simulacres : « la fiction prend pour vrai ce qui est certainement contraire au vrai » (Cino da Pistoia)
  • Qu’est-ce qu’une persona ficta ? « L’universitas n’est qu’une collection de plusieurs corps séparés, auxquels s’applique un même nom » (Yan Thomas)
  • Lucien de Samosate, Histoires vraies : « mes lecteurs ne doivent pas croire un mot de ce que je dis » (Glen Bowersock, Le mentir-vrai dans l’Antiquité, Paris, 2007)
  • Vies parallèles antiques et biographie plurielle d’un individu chrétien
  • La révolution normative du christianisme (Emanuele Coccia) : qu’est-ce qu’une norme qui s’exprime par le récit plutôt que par le commandement et qu’est-ce qu’une narration lorsqu’elle est capturée par l’ordre normatif ?