Salle 5, Site Marcelin Berthelot
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Fernand Braudel a suggéré que pour écrire une histoire complète du monde de la première modernité, la tâche prioritaire est d’élaborer « une évaluation des limites de ce qui était possible ». C’est à quoi nous nous sommes consacré dans notre dernière conférence, « L’empereur renversé par la révolution des prix ». Il se trouve que les meilleures séries de prix alimentaires, dont on dispose sous les Ming, concernent les phases de hausse du prix des grains pendant les famines. Des centaines de prix, exprimés, soit en argent soit en monnaie de cuivre, sont signalés dans les sections des monographies locales dévolues aux désastres naturels. Lorsqu’on les rassemble, on constate que les prix de famine sont d’abord restés relativement constants, mais qu’ils sont partis à la hausse dans les années 1580 et de façon plus dramatique encore dans les années 1630. Il serait concevable d’invoquer la « révolution des prix » du règne Chongzhen (1628-1644) à l’appui de l’hypothèse selon laquelle l’importation massive d’argent du Nouveau Monde aurait été la cause d’une inflation elle aussi massive ; nous préférons, pour notre part, considérer que cette mutation dans les prix a été la conséquence de facteurs environnementaux jouant à l’intérieur même de l’économie chinoise, notamment une baisse des températures moyennes à partir de 1629 et une sécheresse prolongée à partir de 1637. Avec les niveaux de prix atteints dans ces années, il est difficile d’imaginer comment le dernier empereur des Ming aurait pu rester sur le trône et comment la dynastie aurait pu survivre.