Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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L’étude du cas britannique a permis de montrer comment la notion d’égalité a été reformulée par les travaillistes, dans une stratégie de reconquête du pouvoir de 1979 à 1997. J. Tournadre-Plancq a rappelé que cette révision idéologique avait eu lieu dans un triple contexte : la croyance en la montée de l’individualisme et l’émergence de fortes classes moyennes, les divisions au sein du parti travailliste entre la gauche du parti et la « gauche molle », et l’hégémonie intellectuelle des conservateurs parvenant à changer les termes du débat public et contraignant les travaillistes à ajuster leurs discours.

Dans ce contexte, l’intervenant a montré que la gauche a d’abord eu tendance à éviter toute référence à l’égalité, une valeur disqualifiée par les conservateurs qui, dans le cadre d’une offensive contre l’État social, ont imposé une confusion entre égalité et uniformité. Le Labor a rejeté la notion d’égalité de résultats, associée à la vieille gauche, au prétexte qu’elle ne permettait pas de prendre en compte les efforts individuels. À la suite du rapport établi par la Commission sur la justice sociale en 1994, les inégalités sont devenues acceptables en tant que rétributions du mérite ou de l’effort. Plus que d’un abandon de la notion d’égalité, a nuancé J. Tournadre-Plancq, il s’est agi cependant d’un réaménagement de cette valeur. L’égalité a été comprise comme égalité de statut, considérée comme garante de la cohésion sociale, puis, sous l’influence de Gordon Brown, d’égalité réelle des chances. Dès lors, pour les néo-travaillistes, le rôle du politique n’était plus de corriger l’inégale répartition des biens par le marché, mais d’assurer un égal accès aux biens stratégiques (éducation, formation, culture, etc.). L’État facilitateur devait pouvoir « encapaciter » les individus pour leur permettre de s’insérer dans la société et la compétition économique.

La discussion a mis en valeur la distorsion effectuée par les néo-travaillistes de nombreux termes ayant une longue histoire, ainsi des idées de « société sans classe » ou d’« égalité sociale ».

Jérôme Tournadre-Plancq est chargé de recherche CNRS à l’institut des Sciences sociales du politique de l’université Paris-Ouest. Il a notamment publié Au-delà de la gauche et de la droite, une troisième voie britannique ? (Dalloz, 2006).

Intervenants

Jérôme Tournadre-Plancq

Chargé de recherche CNRS à l'Institut des Sciences sociales du Politique - CNRS Université Paris-Ouest