La cinquième leçon a décrit les expériences du groupe ENS-Collège de France sur les états « chats de Schrödinger » de lumière et les études sur la décohérence associées. Ces expériences ont été mentionnées par le comité Nobel, avec celles sur le comptage non-destructif de photons, dans la présentation qu’il a faite du prix. Dans ces expériences, on manipule la phase du champ et, à partir d’états cohérents, on prépare des superpositions d’états de phases différentes appelés « chats de Schrödinger ». Ces états sont générés à l’aide d’un seul atome, lui-même porté dans une superposition de deux états de Rydberg associés à des indices de réfraction différents pour le champ. À l’aide d’un second atome-sonde traversant la cavité après l’atome préparateur du chat de Schrödinger, le groupe du LKB a étudié la décohérence de ces états, due à leur couplage par perte de photon à un environnement de modes du champ initialement vides. Cette décohérence est d’autant plus rapide que le champ contient plus de photons, ce qui illustre un des aspects du passage entre les mondes quantique et classique. La leçon a également décrit des expériences plus récentes (2008) de reconstruction complète par tomographie d’états non-classiques du champ qui ont permis d’étudier de façon plus précise la décohérence. Ces expériences exploitent l’information fournie par un grand nombre d’atomes traversant un à un la cavité pendant son temps d’amortissement. Elles ont été décrites en détail dans des cours antérieurs et leur présentation a été simplement résumée dans la leçon.
L’effet d’indice de réfraction induit par un atome non-résonnant sur le champ de la cavité à d’abord été analysé. Il s’agit de l’action en retour de l’atome sur le champ, complémentaire de l’effet dispersif produit par le champ sur le dipôle atomique. On montre simplement qu’un seul atome induit sur la phase d’un champ cohérent un déphasage égal à celui qu’un seul photon produit sur le dipôle de l’atome. Ce déphasage peut ainsi atteindre la valeur de 180° sur un champ contenant en moyenne plusieurs photons. De plus, le signe du déphasage change suivant que l’atome traverse la cavité dans l’état e ou g. Si l’atome est préparé avant d’entrer dans C par une impulsion microonde R1 dans une superposition de ces deux états, un champ cohérent initialement injecté dans C acquiert lorsque l’atome traverse la cavité deux phases à la fois, et les états de l’atome et du champ sont intriqués. Il s’agit bien ainsi d’une situation analogue à celle que Schrödinger avait décrite d’un chat suspendu entre vie et mort sous l’effet de son couplage à un atome radioactif subissant une désintégration le faisant évoluer entre un état excité et un état désexcité final. Le champ peut également être vu comme un appareil mesurant l’énergie de l’atome, sa phase prenant deux valeurs associées aux deux valeurs possibles de cette énergie. Après que l’atome est sorti de la cavité, ses états sont à nouveau mélangés par une seconde impulsion microonde dans R2. Il en résulte que la détection finale de l’atome dans e ou dans g ne fournit pas d’information sur l’état de l’atome quand il a traversé la cavité. L’ambiguïté quantique est ainsi préservée et le champ est alors projeté par la mesure de l’atome dans un état superposé ayant deux composantes de phase différentes. C’est cet état que l’on appelle un chat de Schrödinger.
La cohérence de cette superposition d’état peut être testée à l’aide d’un deuxième atome sonde traversant C après le premier et subissant les mêmes impulsions microonde à l’entrée et à la sortie de la cavité. En analysant les corrélations entre les états finalement détectés des deux atomes, le premier préparant le chat de Schrödinger et le second le sondant, on obtient un signal décroissant exponentiellement qui mesure la perte de cohérence du système en fonction du temps. Cette étude quantitative de la décohérence a confirmé les prédictions théoriques de ce phénomène et montré que la décohérence est d’autant plus rapide que le champ contient plus de photons.
Dans la dernière partie de la leçon, on a brièvement rappelé comment on pouvait reconstruire complètement l’état du champ dans la cavité par tomographie quantique. On combine alors des mesures QND du champ avec des translations dans son espace des phases obtenues en le mélangeant (homodynage) avec des champs cohérents de phases et d’amplitudes variées. Les résultats de nombreuses mesures effectuées sur un grand nombre de copies permettent de reconstruire la fonction de Wigner du champ, qu’il s’agisse de champs cohérents, de champs à nombres de photons définis ou d’états de type chat de Schrödinger. En reconstruisant les fonctions de Wigner de chats à des temps différents après leur préparation, le groupe de l’ENS-Collège de France a pu réaliser des films de la décohérence montrant comment la fonction de Wigner, qui présente initialement des franges d’interférence signalant l’existence de cohérence entre les deux composantes du « chat », évolue finalement vers un mélange statistique dans lequel ces franges ont disparu.