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On dit que les êtres humains sont des créatures profondément sociales, mais on ignore souvent que beaucoup d'autres animaux sont eux aussi extrêmement bien adaptés aux apprentissages et aux interactions sociales. Les études comparatives récentes sur la cognition sociale chez différentes espèces montrent qu'apprendre d'un congénère est un phénomène très répandu. Je présente des exemples montrant que l'on apprend d'autrui en copiant, ou qu'il y a un apprentissage au sujet d'autrui – à quel point il est dominant, ou fiable, par exemple. Cet apprentissage est important pour la construction de systèmes sociaux complexes et les négociations qu'ils impliquent, que ce soit chez les poissons, les abeilles ou les mammifères. Les capacités cognitives nécessaires à ce type d'apprentissage social ne présupposent pas la conscience. Les processus implicites qui permettent et régulent la plupart des comportements sociaux sont déclenchés automatiquement par la présence de congénères – chez les humains comme chez les autres animaux sociaux. Il existe aussi des formes explicites de ces processus qui, eux, requièrent la conscience, et sont probablement réservés aux humains. Leur développement et leur mise en œuvre sont lents.

L'imitation, la copie aveugle (overimitation) et la mentalisation illustrent les différences entre les formes implicites et explicites. Le phénomène de copie aveugle a été étudié chez l'enfant de quatre ans et chez l'adulte. Les expérimentations montrent que les gens copient des actions irrationnelles « parce que c'est comme cela qu'on fait ». Ce processus est crucial pour la construction de la culture humaine et de l'identité de groupe. On ne le trouve pas chez les chimpanzés. Quant à la forme implicite de la mentalisation – la capacité à reconnaître les intentions des autres pour prédire ce qu'ils vont faire –, elle est présente chez beaucoup d'espèces et peut également être observée chez de très jeunes enfants. En revanche, la forme explicite d'attribution d'états mentaux, qui implique de justifier la manière dont on explique et prédit le comportement, n'est observée chez les enfants qu'après l'âge de quatre ans. Ainsi, les êtres humains sont capables de reconnaître inconsciemment l'état mental d'autrui, mais ils peuvent aussi utiliser la mentalisation pour manipuler les autres. Les humains excellent en matière d'aptitudes sociales explicites, mais ils les emploient souvent de manière égoïste, machiavélique. Les objectifs pro-sociaux sont surtout réalisés par les formes automatiques d'imitation et de comportements d'alignement, comme le montrent l'effet caméléon et les expérimentations recourant à l'imitation intelligente, avec de surprenants effets d'augmentation de l'altruisme.