Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

La bibliothèque des « étoiles nouvelles », construite à partir du poème de Heredia, est en train de prendre des dimensions surprenantes et entraîne sur des terrains inattendus. Jusqu’ici on a vu que les étoiles nouvelles prennent des valeurs différentes selon le contexte : texte de l’Antiquité classique, traité d’astronomie, récit d’exploration maritime, etc. Néanmoins, la bibliothèque complexe qu’elles construisent ne se suffit pas à elle-même et renvoie à des bibliothèques extérieures, comme celle des étoiles perdues (cf. Marco Polo, Le Devisement du monde, 1298, dans le chapitre sur l’île de Sumatra et la disparition de l’étoile polaire). Il est tentant de faire de la mention de l’étoile nouvelle un test de véridicité dans le cadre des récits d’exploration maritime, en postulant que la disparition des étoiles anciennes est un fait tellement inouï que l’explorateur ne peut guère faire l’économie de cette description, d’autant que ce fait n’appartient pas au répertoire classique des navigations légendaires (les monstres, les baleines, les serpents de mer, etc.). Si dans un récit de voyage nord-sud le test est négatif (pas de mention d’étoile nouvelle), dans ce cas le voyage serait fictif ; si le test est positif (mention de l’étoile nouvelle), alors le voyage a des chances de reposer sur des souvenirs réels ; on peut aussi concevoir le faux positif, avec une mention d’étoile nouvelle empruntée à un répertoire préexistant. Ce test apparemment prometteur s’est toutefois avéré inopérant lorsqu’on l’a appliqué au texte du Voyage saint Brendan, car l’absence d’étoile nouvelle n’y plaide nullement pour la fictionnalité du récit. Si ce test est inopérant, on peut toutefois retenir le fait que l’utilisation diverse des étoiles nouvelles dans les textes dénote des régimes de poéticité différents.

Un autre poète tenta, d’une manière différente de Heredia, de rendre à la découverte du nouveau monde par les Européens toute la magie qui lui appartient : John Keats. En octobre 1816, un ami, Charles Cowden Clarke, lui fit découvrir la traduction de l’Odyssée par George Chapman (1616). Cette lecture fut un véritable événement pour le jeune poète qui composa à partir de ses notes de lecture le sonnet, « On First Looking into Chapman’s Homer ». La comparaison de la traduction de Chapman avec d’autres traductions d’Homère aide à comprendre les raisons de l’engouement de Keats.