Amphithéâtre Guillaume Budé, Site Marcelin Berthelot
En libre accès, dans la limite des places disponibles
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Résumé

Dès les années 1950 et davantage encore dans les années 60-70, les œuvres architecturales de certains ténors de l’avant-guerre, tels Frank Lloyd Wright ou Richard Neutra, sont considérées sous influence japonaise et associées au japonisme. Profitant de la célébrité de ces architectes et du Star-system, les discours critiques se construisent et s’affirment doucement en s’appuyant sur des clichés signés par les plus grands maîtres de la photographie d’architecture de l’époque, tels Henri Fuermann pour Wright ou Julius Shulman pour Neutra. Ce japonisme fait régulièrement la une des magazines de l’après-guerre. Il s’imprime dans l’esprit d’un large public, convaincu par des articles de presse et des ouvrages toujours plus illustrés, dont les clichés cristallisent avec force une incontestable inspiration japonaise. Les réalisations plus proches du Bauhaus et de celles de Mies van der Rohe sont quant à elles mises en parallèle de l’architecture traditionnelle japonaise, en prenant soin de ne pas les confondre. Les critiques et les historiens insistent généralement sur l’esprit progressiste de ces réalisations post-modernes, les associent facilement à la peinture abstraite et plus particulièrement au néoplasticisme de Mondrian. Et l’ouvrage prototype de Tange Kenzo sur la villa Katsura, préfacé par Walter Gropius et illustré par Ishimoto Yasuhiro, est venu inscrire ce parallélisme dans la mémoire collective.

Notre communication reviendra sur ces deux néo-japonismes en lien avec l’architecture. L’un, survivance du japonisme de l’avant 1945 ; l’autre, initiateur d’une vision post-moderniste, qui fait du Japon un référent historique, se libérant ainsi de Rome et de la Grèce antique. La confrontation d’une sélection de photographies d’architecture – signées Werner Blaser, Norman N. Carver Jr., Satô Tatsuzô, Watanabe Yoshio, Ishimoto Yasuhiro, Ezra Stoller, Julius Shulman et Futagawa Yukio –, nous permettra de mettre en évidence de petites turbulences dans les discours sur l’influence japonaise dans l’architecture occidentale entre 1945 et 1975. Cette confrontation nous fera également découvrir un japonisme latent, inattendu, dans les images elles-mêmes. Les déhanchements contrôlés des chambres photographiques américaines apparaitront alors comme une prolongation, ou au contraire une négation, de l’œuvre inachevée de Mondrian, Victory Boogie Woogie (1944). Dans un effet de parallaxe, les décentrements opérés par les photographes japonais révèleront alors la survivance d’une tradition picturale nipponne. Or, dans l’effort de relève du pays, au rythme du Tokyo Boogie Woogie de Kasagi Shizuko, qui creva les jukebox à partir de 1947, l’esthétique de ces clichés s’est imposée dans la presse architecturale jusqu’à l’ère numérique.

Intervenants

Jean-Sébastien Cluzel

Maître de conférences HDR à Sorbonne Université