Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

Alors que l’épisode des restitutions s’achève en 1815-1816, certaines pièces ne sont pas rendues à leurs propriétaires légitimes et sont encore visibles aujourd’hui sur les murs de plusieurs musées français.

Pour saisir les enjeux à l’œuvre dans la rétention de ces objets par la France, il est du plus grand intérêt de mesurer l’importance que leur accorde Dominique Vivant-Denon. Or, cette importance tient d’abord à leur rareté. Ainsi, notamment, des pièces des peintres dits « primitifs », qu’il était allé chercher avec beaucoup d’énergie en Italie et que les émissaires italiens consentent à abandonner car ils n’en perçoivent pas encore la valeur. De même, si l’échange des Noces de Cana de Véronèse contre une Madeleine de Lebrun a été officiellement négocié auprès des commissaires autrichiens en raison de l’extrême fragilité de l’œuvre, qui aurait été intransportable en l’état, la très haute valeur symbolique et économique du tableau, estimé à plus d’un million de francs, n’est sans doute pas étrangère au désir du directeur du musée parisien de ne pas s’en séparer.

À un autre niveau, l’arrêté Chaptal de 1802, qui marque la création dans quinze villes de province de musées dont les collections s’approvisionnent dans ce que Dominique Vivant-Denon a appelé le « superflu impérial », joue également un rôle dans le maintien de certaines œuvres en France. En effet, lorsque les alliés entrent à Paris en 1814-1815, ils n’examinent pas les collections provinciales et se soumettent, pour leur restitution, au bon vouloir relatif de l’administration de ces musées.

Après quelques années de silence, cette question est investie par les historiens, les historiens de l’art et les bibliothécaires dans les années 1820 à 1840, non pas en France, où le sujet intéresse peu, mais dans les pays ayant subi des pertes, où l’on cherche à déterminer ce qui n’a pas été rendu. En l’absence de sources fiables, enflent partout en Europe des légendes sur le nombre d’œuvres restées en France, que les publications des catalogues de musées français ne parviennent pas à démentir et qui sont réactivées à chaque nouveau conflit. Les deux guerres mondiales voient ainsi se multiplier, dans les administrations, les bibliothèques et les musées allemands, des initiatives pour localiser et récupérer les œuvres prises avant 1815 et non restituées.

La notion d’héritage national sur laquelle se fondaient ces réclamations cède cependant la place, dans la construction européenne d’après-guerre, à l’idée d’un patrimoine culturel commun qui gomme toutes les discussions sur les restitutions d’œuvres d’art en Europe et constitue également un puissant argument contre les revendications des anciens pays colonisés à cet égard.