Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Suite à l’introduction générale de la semaine précédente, cette première entrée en matière tente d’analyser la nature des premiers contacts entre les Ottomans et l’Europe, tout en soulignant qu’il ne s’agit pas à proprement parler d’une véritable découverte, puisque les Ottomans ont, depuis le début, été en contact avec un monde occidental d’abord italien, puis de plus en plus français. La véritable différence, au XVIIIe siècle, tient à un changement sensible du rapport de forces entre les deux parties : tandis que les Ottomans, depuis la fin du XVIIe siècle, commencent à perdre prise, leurs interlocuteurs occidentaux, eux, se font de plus en plus puissants et, souvent, arrogants. Il s’agit donc d’une situation nouvelle qui force les Ottomans à revoir leur politique envers un Occident de plus en plus envahissant et menaçant, mais aussi de plus en plus attrayant et tentant par ses succès.

Toutefois, avant de poursuivre cette interrogation sur les premiers contacts d’un genre nouveau entre les Ottomans et l’Occident, reprenant la promesse faite la semaine précédente d’aborder certains problèmes de méthode par le biais de cas particuliers, le cours emprunte un petit détour méthodologique autour du cas on ne peut plus particulier de « la couleur du cheval blanc de Franchet d’Espèrey ». En effet, toute la littérature historique, des années 1950 à nos jours, insiste sur la robe blanche de sa monture pour prouver que le général français, en investissant de la sorte la capitale ottomane en 1919, mettait en scène une riposte à la conquête de la ville par Mehmed II en 1453. Or des photographies contemporaines montrent bien que ce cheval n’était pas blanc, mais bai. Détail anodin, voire futile, certes, mais qui permet de se pencher sur deux questions primordiales en histoire. Tout d’abord, le problème de la manipulation des sources – généralement à des fins politiques ou idéologiques – et la faiblesse de la discipline face à cette désinformation, par manque de rigueur et de dépouillement systématique des sources. La deuxième interrogation, plus importante, porte sur le sens à donner à cette distorsion : loin d’être innocente, elle reflète une frustration ressentie par la population musulmane de la ville à la vue des forces d’occupation et, surtout, de l’enthousiasme des communautés non musulmanes. Ce n’est donc pas tant la correction d’une erreur factuelle qui compte, que la compréhension et la contextualisation des raisons qui la causèrent.