15:30 à 16:30
Cours

Le fait urbain en Asie centrale préislamique : approche diachronique, approche synchronique, III : la crise urbaine et la réurbanisation (IIIe-VIs.), un processus général ? (suite) (3)

Frantz Grenet
Amphithéâtre Maurice Halbwachs, Site Marcelin Berthelot
En libre accès, dans la limite des places disponibles
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Résumé

Tant au Tokharestān qu’en Sogdiane, le processus de « digestion » des apports nomades qui avaient suivi la chute de la domination grecque paraissait alors accompli.

Au Tokharestān de rive droite, on a l’exemple bien étudié de la vallée de Bishkent : du Ier siècle avant notre ère au IIsiècle de notre ère, elle est occupée par des nomades installés dans la durée, et dans la coexistence avec des villages sédentaires. Ce ne sont pas tous des militaires ; ils utilisent la poterie des villages voisins. Au sud, cœur du pouvoir kouchano-sassanide, on a l’impression de rester sur la lancée de la grandeur impériale des Kouchans. Les remparts surdimentionnés des nouvelles fondations (Qala-i Zal, déjà Zadiyan à l’époque kouchane) attestent de la confiance en l’avenir. Deux zones rurales prospectées, la Bactriane orientale (Gardin-Lyonnet) et le Surkhan-Darya (Stride), révèlent un « monde plein », au moins au même niveau qu’à la période kouchane.

En Sogdiane, on retrouve la présence apparemment pacifiée des nomades : les nécropoles en périphérie de l’oasis de Boukhara, jusqu’au IVsiècle, coexistent avec de petits sites urbains ; la culture artistique nomade est attestée près de Samarkand par les plaques d’Orlat, avec des procédés stylistiques dont héritera la peinture sogdienne à partir du moment où elle apparaîtra. Le poids de l’élément nomade paraît plus fort qu’au sud. Les principautés sogdiennes qui avaient émergé après la période grecque (Samarkand, Boukhara, le Kashkadarya) sont englobées, à un degré incertain, dans la confédération des Kangju, d’où, semble-t-il, la présence d’une onomastique de type « sarmate » (autrement nommée « pontique ») dans l’aristocratie dirigeante. Samarkand subsiste, mais très rétrécie par rapport à l’époque hellénistique. On n’y repère plus alors aucune construction de qualité (mais celles-ci pourraient avoir été oblitérées par les importants remodelages du VIIsiècle). Cela va de pair partout en Sogdiane avec une longue période médiocre du point de vue artistique, avec une céramique à peu près immuable du IIe au Vsiècle (période dite « Afrasiab IV »). Nulle part on ne peut attribuer de nouvelle fortification, ni urbaine ni autre, à la période qui va de l’époque hellénistique au IIIsiècle, ce qui contraste nettement avec la situation observée au sud. Le Kangju, sûr de sa force, aurait-il constitué la principale menace pour les Kouchans ? D’autres indices  démentent l’idée d’une stagnation dans tous les domaines. À un moment qu’on aimerait pouvoir préciser davantage mais qu’on situe en tout cas dans la période 100-250, les principautés sogdiennes coalisées avec le Chāch (Tachkent) eurent la ressource pour fonder de petites villes fortifiées loin sur le front de la steppe [6]. À partir du IIIsiècle, on discerne l’existence, peut-être en fait antérieure, de colonies sogdiennes sur la branche chinoise de la « Route de la Soie », et ceci bien que l’itinéraire majeur décrit par Ptolémée passe en territoire kouchan.

Références