Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

Le déniaisement dont on parlait à la séance précédente prend inévitablement, pour l’Italie de la fin du XVe siècle, l’allure du désenchantement machiavélien. On fait ici l’hypothèque que Machiavel, écrivant avec Le Prince son étrange défaite, y dresse le constat de la faillite du monde albertien. Ce dernier prétendait rendre raison de la méchanceté du monde par l’agencement ordonné de la storia, dont la beauté est propre à désarmer les jaloux et les violents. L’ironie mordante de Machiavel met à mal une expérience historique que l’on pourrait dire « renaissante » en tant qu’elle prétend configurer un rapport au temps par une culture visuelle. Voici pourquoi toute défense et illustration de la Renaissance non comme concept mais comme chrononyme ou comme « nom d’époque » est un contre-sens. Si l’on peut dire, avec Hans Blumenberg, que « les temps modernes existent au moment où ils se déclarent tels », il convient de s’interroger sur le mode d’existence de cette conscience de soi. Car si l’humanisme situe parfois cette Renaissance ici et maintenant, elle est le plus souvent projeté à l’horizon. Autrement dit, on nomme Renaissance non pas l’époque où les lettres romaines reviennent, mais le temps à venir où elles reviendront.

Sommaire

  • « Car l’histoire est, par essence, science du changement » (Marc Bloch, L’Étrange défaite, 1940)
  • Examen de conscience, témoignage et expérience : comment l’histoire « peut s’essayer à pénétrer l’avenir »
  • Se défaire, avec Machiavel, de ce petit tas de ruses et de beautés qu’on appelle une culture
  • Machiavel et Marc Bloch, deux étranges défaites
  • Une hypothèse : Machiavel dresse le constat de la faillite du monde albertien
  • Leon Battista Alberti, l’homme qui « prend toujours la couleur se trouvant dans la chose à propos de laquelle il écrit » (Cristoforo Landino)
  • Parlo come pictore : la finestra, les « ministres du voir », l’amitié des couleurs et la storia dans le De pictura d’Alberti (1436)
  • Ce que bâtir veut dire : lexique architectural et régimes politiques dans le De re aedifactoria (1452)
  • Une idée consolante et douce : « Or, la beauté obtiendra, même de la part d’ennemis acharnés, qu’ils modèrent leur courroux et consentent à la laisser inviolée »
  • La croyance centrale de l’humanisme : une rhétorique commune au genre humain qui l’emporte dans une seule et même narration
  • Pétrarque, la voie romaine contre la complication gréco-arabe
  • « Attendant la venue d’une aurore nouvelle » : la mélancolie des derniers jours de l’Africa et l’adresse à la jeunesse du monde
  • Le contresens de la défense et illustration de la Renaissance comme nom d’époque
  • On nomme donc Renaissance non pas l’époque où les lettres romaines reviennent, mais où elles reviendront
  • Pétrarque, Contre celui qui maudit l’Italie (1373) : « Qu’est-ce donc que l’histoire, sinon l’éloge de Rome ? »
  • Et pour Marc Bloch, dans L’Étrange défaite, « sur ses feuilles de recherche, les lignes, dont les faits écoulés lui disent le tracé, ne sont jamais des droites »
  • Lignes brisées et fil rompu : Otton de Freising face au monde communal en 1154
  • La question du point aveugle : qu’est-ce qu’il ne voit pas pour voir si bien ce qui vient ?
  • Pise, Roma altera : d’autres moyens de poursuivre l’histoire antique
  • L’Histoire brisée d’après Aldo Schiavone (2003) : retour sur l’économie politique
  • Pour Otton de Freising, des Italiens affairés et indisciplinés, occupés du monde (Sylvain Piron, L’occupation du monde, 2019)
  • Des happy fews stendhaliens à l’aristocratisme pétrarquien du secretum
  • La critique des occupati dans La Vie solitaire : « ceux que les affaires d’autrui accaparent, que dirige la volonté d’autrui, et qui apprennent sur le visage d’autrui ce qu’ils ont à faire »
  • De la haine de la ville à la haine du peuple : Pétrarque désigne le lieu de l’expérience