Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

Pour Brunelleschi comme pour Le Pogge au XVsiècle, l’invention dans les ruines du passé fut d’abord une expérience urbaine. Mais un siècle auparavant, Cola di Rienzo fut déjà ce piéton accablé dans l’Urbs fracta, face à la violence sociale des barones urbis. À partir notamment du témoignage de l’Anonimo romano, le cours restitue l’expérience historique du notaire romain dans sa dimension politique (comment « organiser le peuple » ?), urbaine (comment déchiffrer les reproches que nous font les ruines de la grandeur ?) et idéologique (quel miroir de Rome le tribun peut-il opposer à ses concitoyens ?) Parole désarmante, le verbe de Cola se renverse en harangue tyrannique – « alors le tribun commença à se faire haïr », lit-on dans la Cronica de l’anonyme romain. En tentant de nouer les notions de renversement, de profanation et de lisibilité, l’analyse aborde la question de l’anachronisme et du reenactment : peut-on rejouer l’histoire ? Telle est la question que pose tragiquement l’aventure politique de Cola di Rienzo.

Sommaire

  • Quand Vasari voit en Brunelleschi un voyant davantage qu’un visionnaire
  • L’architecture est une cosa mentale : derrière les ruines, des villes invisibles et des vies potentielles
  • Optimisme constructif et « caractère destructeur » (Walter Benjamin, 1931) : « s’il met tout ce qui existe en ruine, ce n’est pas pour l’amour des ruines, mais pour le chemin qui se dessine entre elles »
  • Freud, la ville et l’entassement des possibles (Malaise dans la civilisation, 1929) : « si nous voulons traduire dans l’espace la succession historique, nous ne pouvons le faire qu’en plaçant spatialement les choses côte à côte ; la même unité de lieu ne tolère point deux contenus différents »
  • L’épreuve de modernité : les Dialogues des morts de Fontenelle (1683)
  • Bâtir dit l’un, détruire dit l’autre : la mémoire saturée et l’oubli volontaire
  • « Pompéi ne tombe en ruines que maintenant, depuis qu’elle est exhumée » (Freud, « L’homme aux rats »)
  • Cola di Rienzo, piéton accablé des ruines de Rome, face à la violence sociale des barones urbis
  • Passa-t-il « comme un météore ? » (Tommaso di Carpegna Falconieri, Cola di Rienzo, Rome, Salerno, 2002)
  • L’Anonimo romano : la chronique d’une expérience politique (Chronique. Rome, le temps, le monde et la révolte de Cola di Rienzo, éd. et trad. Jacqueline Malherbe-Galy et Jean-Luc Nardone, Toulouse, 2015)
  • Dunqua, da quale novitate comenzaraio ? Nouvelle et nouveauté : quand l’histoire commence, elle a déjà commencé
  • Rome, 1325, à hauteur d’un regard d’enfant apeuré
  • « Organiser le peuple » : le paradoxe de la pars populi (Igor Mineo)
  • « Je me tiens à l’écart » : écrire l’histoire pour ne pas percevoir « la guerre et les tourments qui se répandent dans tout le pays »
  • Redresser la chronologie : l’expérience politique de Cola di Rienzo dans le contexte des Regimi di Popolo (Jean-Claude Maire Vigueur, L’autre Rome. Une histoire des Romains à l’époque communale (XIIe-XIVe siècle), Paris, 2010)
  • Senza paura : munitiones, ouverture urbanistique et institutions médiévales de l’apaisement
  • Le dictator et le langage d’apparat de l’ars dictaminis (Benoit Grévin, Rhétorique du pouvoir médiéval. Les Lettres de Pierre de la Vigne et la formation du langage politique européen (XIIIe-XVe siècle), Rome, École française de Rome, 2008)
  • « Le beau style de la langue de Cola » : un choc émotionnel
  • La parole désarmante : le politique commence quand cesse la mise à mort (Jean-Claude Milner, Pour une politique des êtres parlants. Court traité politique 2, Lagrasse, 2011)
  • « Il s’habillait comme un véritable tyran d’Asie. Déjà il montrait qu’il voulait par la force gouverner en tyran » : l’habit, le moine et la signature
  • « Alors le tribun commença à se faire haïr » : circulation des affects et rétention corporelle
  • Rome, « sa nourriture et sa paralysie » (Jacques Le Goff) : quel miroir de Rome Cola di Rienzo opposait-il à ses concitoyens ?
  • Savoir déchiffrer les reproches que nous font les ruines de la grandeur
  • Renversement, profanation, lisibilité : la Lex de imperio Vespasiani
  • Encore les ruines d’Anna Tsing, là où « peut [se] capter la senteur des communs latents et cet arôme d’automne insaisissable »
  • Encore les ruines de Michel Butor : « Chers amis je vous avise du fin fond du Moyen Âge »
  • Des ruines d’avenir, pour ne pas installer l’Apocalypse à demeure
  • « Bientôt, nous dépassions les rues jaunies par l’éclairage dit urbain, et nous rejoignions nos quartiers de prédilection, c’est-à-dire de naufrage » (Antoine Volodine, Des anges mineurs, Paris, 1999)
  • Le Constructive Reenactment de Robin Collingwood (Alain de Libera, L’Archéologie philosophique, Paris, 2016)
  • L’histoire nous fournit un gisement d’énoncés sous forme de solutions, mais à quelles questions ?
  • Anachronisme, feinte et agency : rejouer l’histoire (Rémy Besson, « Le reenactment en question : entretien avec Anne Bénichou », www.entre-temps.net)