Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

La cinquième leçon a rappelé l’opposition des arguments entre Locke et Leibniz. Pour Locke (le Philalèthe des Nouveaux Essais), « la réduction des choses en espèces se rapporte uniquement aux idées que nous en avons, ce qui suffit pour les distinguer par des noms ». Pour Leibniz, qui réfléchit dans le registre de l’infini des possibles, les essences sont éternelles : elles existent dans l’entendement divin, où elles représentent des vérités nécessaires, en d’autres termes, accessibles à partir de n’importe quel monde possible. Leibniz croit à un espace logique de possibilités, dépendant du choix libre par Dieu d’un monde plutôt que d’un autre, où les substances individuelles se regroupent, en fonction de propriétés communes qui se complètent harmonieusement en dessinant, entre les espèces, des frontières naturelles. Outre l’argument modal, Leibniz invoque l’histoire causale de l’espèce et la génération (d’où une différence entre espèces mathématiques et espèces physiques) :« Deux individus physiques ne seront jamais parfaitement [d’une espèce, car ils ne seront jamais parfaitement] semblables, et, qui plus est, le même individu passera d’espèce en espèce, car il n’est jamais semblable en tout à soi- même au-delà d’un moment. » C’est cet ancrage dans la nature qui empêche que nous accordions au conceptualisme une portée aussi large que le prétend Locke :

« [...] quelques règlements que les hommes fassent pour leurs dénominations et pour les droits attachés aux noms, pourvu que leur règlement soit suivi ou lié et intelligible, il sera fondé en réalité, et ils ne sauront se figurer des espèces que la nature, qui comprend jusqu’aux possibilités, n’ait faites ou distinguées avant eux [...] Nous pouvons donc dire que tout ce que nous distinguons ou comparons avec vérité, la nature le distingue ou le fait convenir aussi, quoiqu’elle ait des distinctions et des comparaisons que nous ne savons point et qui peuvent être meilleures que les nôtres. Aussi faudra-t-il encore beaucoup de soin et d’expérience pour assigner les genres et les espèces d’une manière assez approchante de la nature. »

A VI, 14, G, p. 288