Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

Au commencement, il y a le mythe. Zeus s’éprit d’Europa, la fille du roi africain Agénor, et, métamorphosé en taureau, l’emporta en Crète où elle lui donna deux fils. Agénor envoya les deux frères d’Europa à sa poursuite, leur interdisant de réapparaître chez lui sans l’avoir retrouvée. Ils ne revinrent jamais. Le mythe est, au sens essentiel, un déplacement, une métaphore, une traduction, une « parole » (Barthes) qui signifie : « emporté d’un lieu à un autre ».

Les mythes sont transformés, altérés, renouvelés pour correspondre aux besoins d’un temps et d’un lieu. Mais ils restent eux-mêmes pour l’essentiel, car ils ne sont pas créés en tant que fabrications de l’imagination humaine, mais (sans vouloir tomber dans un universalisme facile) comme des manifestations concrètes de certaines intuitions primordiales. Au Moyen Âge, Lactantius proposa de banaliser le mythe grec en prétendant que le taureau était simplement le nom d’un bateau. Mais le mythe perdura et en fit lever d’autres dérivés de l’histoire initiale : mythes de souveraineté (Europa, une princesse), de féminité (la bien-aimée de Zeus), de prééminence culturelle (ses frères envoyés à sa recherche) et aussi, plus mystérieusement, d’immigration et d’établissement (Europa, une résidente étrangère). Le contenu de ces mythes constitue peut-être la pierre de touche qui prête aux peuples de l’Europe une identité commune intuitive.

Toute définition (celle du mythe, par exemple) nécessite tant une limitation qu’une invention. Une limitation de ce que nous croyons que l’objet de la définition n’est pas, et une invention de ce que nous imaginons susceptible de constituer quelque chose que nous connaissons déjà, puisque nous ne pouvons définir ce que nous n’avons pas encore imaginé. Le mythe d’Europa reflète cette double nécessité.