Publié le 17 octobre 2016
Actualité

Lancement d'un programme d'accueil pour les scientifiques en danger

Lors du colloque "Migrations, réfugiés, exil" du Collège de France, Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a annoncé le 13 octobre 2016 le lancement d’un programme  d’accueil de scientifiques en danger.

En lien avec les établissements d’enseignement supérieur et les organismes, en partenariat avec des entreprises et des acteurs de la société civile, ce programme sera également accompagné par un comité de parrainage, dont la création a été confiée par Thierry Mandon à Edith Heard et Alain Prochiantz, professeurs au Collège de France.

Dans une tribune, publiée sur Le Point.fr, les premiers membres du Comité de Parrainage expliquent les raisons de leur engagement.

La France peut accueillir les scientifiques en danger !

Le phénomène couramment qualifié de "crise des réfugiés" que connaît actuellement l'Europe, et qui est sans doute avant tout une crise de l'Europe et de ses valeurs, ne peut laisser indifférent le monde académique. Si plusieurs initiatives ont déjà mis en avant l'intérêt des recherches consacrées à ces flux migratoires, il est également nécessaire de porter attention à ces migrants eux-mêmes. Nombre d'entre eux – et en particulier ceux venus de Syrie – sont diplômés de l'enseignement supérieur, voire chercheurs ou enseignants-chercheurs. Des initiatives ont déjà été prises pour ouvrir l'accès de l'enseignement supérieur aux jeunes réfugiés ou demandeurs d'asile dont les études ont été empêchées ou interrompues. Mais l'accueil des chercheurs et enseignants-chercheurs reste un maillon faible des actions menées jusqu'ici en France. Les seules initiatives structurées l'ont été à l'instigation de communautés scientifiques spécialisées sur les aires géographiques touchées (spécialistes de la Syrie ou plus généralement de la zone moyen-orientale, notamment en archéologie et études anciennes), le plus souvent en dégageant sur les crédits de recherche existants des budgets non pérennes permettant de financer les recherches et l'accueil de ces collègues. Or la solidarité avec les chercheurs en exil constitue, au-delà de la nécessaire solidarité avec des collègues en danger, une ressource de connaissance et de savoir. Des exemples historiques attestent le bénéfice intellectuel que constitue l'arrivée massive de chercheurs : une économiste de Stanford, Petra Moser, a ainsi montré que l'une des conséquences de l'accueil aux USA de plus de 133 000 émigrés juifs allemands entre 1933 et 1944, dont nombre d'entre eux avaient un haut niveau de formation, avait été une hausse de 31% des dépôts de brevets aux États-Unis. Il faut donc considérer le projet d'accueillir des chercheurs en exil comme une chance non seulement pour eux, mais également pour la France. Il s'agit avant tout d'un devoir moral, mais dont les conséquences peuvent être riches d'un point de vue scientifique.

Face à cette situation, il apparaît que des solutions ont pu être mises en œuvre dans d'autres pays occidentaux : de "Scholars at Risk" actuellement hébergé par New York University à l'initiative Philipp Weitzmann créée par la Fondation Humboldt (Allemagne) en passant par Cara ("The Council for at Risk Academics") en Grande-Bretagne, ou le Scholars Rescue Fund, des programmes ont été mis en place, réactivant parfois des dispositifs créés dans la première moitié du vingtième siècle, pour accueillir et insérer les scientifiques. Il importe que la France sache se montrer à la hauteur des défis du présent et de son statut de grande nation de recherche, en créant un dispositif d'accueil pour les chercheuses et chercheurs en danger. Cela constituera non seulement une source d'enrichissement humain et scientifique dans l'immédiat, mais aussi l'anticipation d'une reconstruction sociale et académique de ces pays dans l'avenir. Les sciences, sciences exactes, sciences du vivant, sciences humaines et sociales, peuvent constituer une réponse à l'obscurantisme. Encourager leur développement est l'un des signes les plus forts de sociétés confiantes dans leurs valeurs et leur avenir et ne craignant pas les esprits libres. C'est pourquoi il nous faut soutenir les universitaires menacés, les accueillir parmi nous, et contribuer ensemble à renforcer les connaissances scientifiques dont le monde a besoin.

Le secrétaire d'État, Thierry Mandon, a annoncé le 13 octobre lors du colloque de rentrée au Collège de France "Migrations, réfugiés, exil" la création d'un programme national d'aide aux scientifiques en danger. Nous souhaitons en accompagner la naissance, en formant le comité de parrainage de ce dispositif nécessaire.


Edith Heard et Alain Prochiantz (Collège de France) - Co-Présidents

Premiers signataires :

Michel Agier (IRD/EHESS), Suzanne  Berger (MIT), Patrick Boucheron (Collège de France), Hamit Bozarslan (EHESS), Édouard Brezin (académie des Sciences), Claude Cohen-Tanoudji (Collège de France, Prix Nobel de physique), Pascale Cossart (Institut Pasteur), Chantal Crouse (galiériste), Jean-François Delfraissy (Inserm), Jean Jacques Glassner (directeur de recherche honoraires au CNRS), Virginie Guiraudon (Sciences Po), Béatrice Hibou (Sciences Po), Jules Hoffmann (Université de Strasbourg, Prix Nobel de Médecine ou Physiologie), Jean-Jacques Hublin (Collège de France), Eberhard Kienle (IFPO), Liora Israël (EHESS), Camille Laurens (écrivain), Henri Laurens (Collège de France), Marie-Claire Lavabre (CNRS), Dominique Maraninchi (AMU), Jennifer Merchant (Paris 2), Pap Ndiaye (Sciences Po), Marcel Rufo (AMU), Dominique Schnapper (EHESS), Dominique Stoppa-Lyonnet (Paris Descartes/Institut Curie), Gisèle Sapiro (EHESS), Lilian Thuram (sportif), Antoine Triller (Collège de France), François Villeneuve (Paris 1), Sophie Wauquier (Paris VIII), Sébastien Balibar, (Membre de l’Academie des Sciences - Laboratoire Pierre AIgrain, Ecole Normale Supérieure), Jean-Luc Morel (Institut des Maladies Neurodégénératives, UMR 5293 CNRS-Université de Bordeaux).

Merci !

Contact pour les signataires :