Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
En libre accès, dans la limite des places disponibles
-

La seconde heure a permis de poursuivre l’étude de l’Extra calvinisticum, en pointant la source probable de la différence « totus » vs « totum » : les Sentences de Pierre Lombard, livre III, distinction XXII, qui combine les éléments que l’on retrouve dans l’« Extra calvinisticum » et ubiquisme : « Que le Christ est tout entier partout, mais pas en entier : puisqu’il est homme ou Dieu tout entier, mais pas en entier. » (Quod Christus ubique totus est, sed non totum : ut totus est homo vel Deus, sed non totum). La source de Pierre Lombard est, une fois de plus, Jean Damascène. Le chapitre 51 de La Foi orthodoxe distingue ὅλος et ὅλον (en latin, totus et totum), ainsi que ἄλλος et ἄλλο (en latin, alius et aliud). Sans ces notions, écrit Jean de Damas, on ne peut comprendre l’ubiquité, l’omnipotence ou la souffrance du Christ. On est ensuite passé à l’étude de la kénose et de l’occultation chez Luther. On a présenté l’exégèse luthérienne de Philippiens 2, 5-11, analysé la signification de la « forma servi » en Philippiens 2, 7, et dégagé la notion d’« occultation » : la « forme du serviteur » endossée dans l’Incarnation n’est pas l’humanité (la nature humaine) mais une condition servile temporaire. L’exinanition (kenosis) est une « occultation » de la majesté divine communiquée au Christ pour le temps de sa mission temporelle – thèse rejetée vigoureusement par Théodore de Bèze et les calvinistes, pour qui, la « forme du serviteur » désignant l’humanité, la « forme de Dieu », la divinité, le Christ ne peut déposer « la forme du serviteur ». Pour clarifier la nature et l’étendue du différend entre luthériens et réformés, on a examiné la théorie des quatre genres de prédication en christologie, selon Martin Chemnitz. On a défini et analysé les quatre genres : idiomatique, apotélesmatique, majestique et tapéinotique. On s’est arrêté en particulier sur le genus tapeinoticon, censé marquer la communication de l’humilité, ταπείνωσις, donc de la souffrance, à la nature divine. On a montré que le genre tapéinotique était rejeté par la Formule de Concorde comme « horrible et blasphématoire », et par Chemnitz lui-même, qui s’appuie, pour cela sur les chapitres 48 et 51 de Jean de Damas. On a ensuite décrit la conception luthérienne de la théologie comme theologia crucis, en reprenant l’opposition entre « théologie de la Croix » et « théologie de la Gloire », et le rejet luthérien de la théologie scolastique fondée sur Rm 1, 20. On s’est appuyé pour cela sur la thèse 19 de la controverse de Heidelberg (1518) :

On ne peut appeler à bon droit théologien celui qui considère que les choses de Dieu invisibles peuvent être saisies à partir de celles qui ont été créées.

On a conclu les deux heures par une réflexion sur la kénose divine et le chiasme des propriétés, et une défense du genre tapéinotique. On a évoqué à ce propos Maître Eckhart et sa théorie de l’abaissement intérieur de Dieu, esquissant une troisième voie entre théologie de la Gloire et théologie de la Croix : la théologie du « détachement ».