Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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La première heure a abordé le thème de la kénose chez Maître Eckhart, et de la relation qu’il établit entre Incarnation et Inhabitation intérieure du Verbe. Après un ensemble de considérations sur les notions de « détachement », (Abegescheidenheit), et « délaissement », (Gelazenheit), présentées comme les noms allemands de l’apatheia – et non seulement de l’apatheia, mais dans leur articulation, de la « souffrance impassible » ou « impassibilité souffrante », du pathoi apathos de Cyrille d’Alexandrie. On a sur cette base distingué deux voies dans ce qu’on appelle la « mystique rhénane » du xive siècle : le détachement avec Eckhart ; la compassion avec Suso, soit, en termes patristiques : la voie de l’apatheia et la voie du pathos. Pour Eckhart, le détachement est la vertu suprême impassible et/ou immuable, il est supérieur à l’amour, à l’humilité et à la miséricorde, il est liberté suprême. Il était dans le Christ à Gethsémani. Pour se faire comprendre, Eckhart reprend la distinction entre homme intérieur et homme extérieur en s’aidant de l’image de la porte et du gond : l’homme extérieur se meut ou est mu : il agit ou subit ; l’homme intérieur demeure immuable et détaché, il est comme le gond autour duquel la porte pivote. La voie d’Eckhart n’est pas centrée sur la souffrance éprouvée par le Christ dans la Passion. Il en va tout autrement chez son disciple Heinrich Seuse, dit « Suso » (1295-1366). On a restitué une partie des thèses de Suso en examinant l’Exemplar, contenant notamment Le Livre de la vie : une autobiographie écrite à quatre mains par Suso et Elsbeth, sa « fille spirituelle ». La méthode de Suso dans l’Exemplar reposant sur un usage original de l’iconographie : accéder au « sans image » par l’image, en « chassant l’image par l’image » (bild mit bilden us triben), on a analysé les images contenues dans les folios 119, 139 et 169 du manuscrit ms. 2929 de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, représentant les étapes parcourues sur le chemin de la souffrance. On a conclu en soulignant l’aspect paradigmatique de la différence de position entre Eckhart et Suso : au couple passion-compassion susien répond le couple incarnation-inhabitation eckhartien. Trois voies théologiques s’offrent ainsi à la fin du Moyen Âge : la Gloire, la Croix, le détachement. L’imitation de Jésus-Christ étant l’une des figures de la « compassion », nous sommes revenus aux Problemata du pseudo-Aristote, aux notions de synalgie et de partage de la douleur à distance, selon Pietro d’Abano, au rôle de l’imagination dans ce processus. Nous sommes arrivés, ce faisant, au thème de la stigmatisation, forme maximale de la compassion.