Amphithéâtre Maurice Halbwachs, Site Marcelin Berthelot
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« L’essentiel de la vie tient dans le mouvement qui la transmet. »
Henri Bergson, L’Évolution créatrice, ch. 2, p. 129.

À quoi peut ressembler une philosophie du devenir ? Henri Bergson (1859-1941) est, avec Alfred North Whitehead (1861-1947), l’un des grands philosophes du XXe siècle qui, alors que les sciences du vivant prenaient leur essor, se sont essayés à construire une philosophie qui convienne à un monde en devenir (« emergent evolution »). Whitehead ayant, dans la préface de son livre Process and Reality (1929), dit sa dette à l’égard de Bergson, et le centième anniversaire de la parution du livre de Bergson L’Évolution créatrice (1907), célébré en France en 2007, ayant fait germer nombre de publications et études critiques, c’est à Bergson qu’on demandera une première réponse. Étant donné ce que l’on connaît à présent des travaux de Bergson, il est clair que ce fut très tôt, pour lui, une « question de fond » : « Héraclite a été frappé de l’écoulement universel des choses, de ce changement perpétuel qui, aujourd’hui, a si vivement frappé les partisans de la doctrine de l’évolution. Guidé par cette idée, il s’est dit que ce changement universel était peut-être plus qu’une simple qualité des choses, que c’était peut-être le plus important, le fond, l’existence même des choses » (Bergson, Cahier noir, notes de cours, Clermont-Ferrand, automne 1884 ; cit. Hude, II, p. 113).

En 1884 Henri Bergson est un jeune professeur de classe terminale, au lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand, où il enseigne un programme (psychologie-logique-morale-métaphysique) qui doit permettre à ses élèves de passer avec succès leur seconde partie de baccalauréat. Leur a-t-il parlé d’Héraclite ? En fait, Henri Hude a établi que le cours sur les présocratiques fait partie d’un enseignement d’histoire de la philosophie grecque dont le jeune Bergson a été chargé à l’université de Clermont (en marge de ses cours au lycée). Ce que Bergson retient d’Héraclite (que « le changement est l’essence des choses », ibid., p. 112) est commenté par Henri Hude, convaincu que Bergson, resté platonicien, découvre alors la possibilité de concilier, pour ainsi dire, Héraclite et Platon : « Le devenir est dans l’essence, ce qui ne signifie pas que l’essence serait supprimée de l’intérieur par le devenir qui est en elle. Il y a l’essence, et le devenir ne se produit pas contre elle, sans elle, hors d’elle, mais par elle, selon elle, et, en un sens tout à fait original, en elle » (Hude, ibid., p. 112).