Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

On n’est pas revenu longtemps sur « Proust et la mémoire », poncif de la critique. On ne l’a évoqué que pour mémoire : pour rappeler ce dont il ne serait pas – ou peu – question dans ce cours.

Par « Proust et la mémoire », on entend d’habitude une réflexion sur « la littérature de la mémoire », ou sur « le roman de la mémoire », où la mémoire s’entend, de nouveau dans l’ambiguïté du génitif, comme l’objet ou le sujet du roman. Non seulement le roman parle des souvenirs, mais surtout – de manière plus déterminante – c’est la mémoire qui constitue, structure le roman.

Au premier sens, il est indispensable de rappeler que la Recherche appartient à toute une littérature de la mémoire, sur fond de mélancolie romantique et de nostalgie du passé. Suivant la formule du poème romantique, une sensation présente convoque un passé mort, comme dans Le Lac de Lamartine : « Un soir, t’en souvient-il ? nous voguions en silence. » Dans le monde moderne, la mémoire est la condition de la poésie du monde et de l’harmonie de la vie. Ainsi la mémoire involontaire traverse la Recherche, de la madeleine à l’ouverture de « Combray » jusqu’aux réminiscences en cascade dans Le Temps retrouvé. Le roman parcourt le grand arc de la mémoire, entre la longue impuissance à écrire du narrateur et la révélation finale du moyen de sa vocation, impuissance et révélation toutes deux liées à la mémoire.

De l’autre côté, et de manière plus essentielle, la mémoire n’est pas objet mais sujet, et elle fournit la structure même du roman, lequel se fonde sur la mémoire : après un prologue marqué sur le retour désordonné des souvenirs des chambres où le narrateur a vécu, celui-ci narrateur parcourt, raconte sa vie de manière généralement rétrospective, jusqu’à la décision d’écrire qui dénoue son impuissance afin qu’il se mette au roman que nous avons entre les mains (on simplifie volontairement, car est-ce bien ce roman-là ?). Le roman, à la faveur d’un immense retour en arrière, relate une action qui appartient au passé.

Dernier évitement : on parlera peu des rapports de la mémoire involontaire – objet et sujet du roman – et de la mémoire intellectuelle, sinon pour rappeler leur opposition bien connue. Ce deuxième cours a donc surtout rappelé ce dont il ne serait pas question par la suite.