Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Le panorama du cinéma est riche en 1966, avec de nombreux grands films.
Au hasard Balthazar et Masculin féminin sont deux films sur et avec la jeunesse. La jeunesse est une invention de 1966, notamment de ces films (ou des années soixante) : la culture jeunes constitue les jeunes. On y trouve deux jeunesses : celle de la ville et celle de la campagne. Mais toutes deux ont une culture en commun : la chanson, la danse, la sexualité. Ce sont deux films en noir et blanc à l’âge de la couleur, deux films noirs, durs, métaphysiques et sociologiques, enquêteurs et inquisiteurs.

Au hasard Balthazar est le film de Bresson le plus complexe et le plus personnel, tout à la fois en avance sur son temps et en dehors de son temps. C’est un film antimoderne. Bresson y oppose le cinématographe au cinéma (qu’il réduit à un théâtre photographié) et cherche à purifier le cinéma de ce qui n’est pas le cinéma. La caméra ne doit pas reproduire, mais créer. De la même manière, Bresson renonce aux acteurs professionnels, les jugeant paralysés par l’habitude. Godard entendait aussi « briser » les acteurs, « les détruire, comme les nazis ont détruit les juifs ». Le choix d’un seul objectif concourt également à casser le cinéma, renonçant au travelling et au panoramique, tandis que le son et les bruits suppléent l’image aussi souvent que possible. Bresson réalise un film-monde, vu par un âne, venu de la Bible, de L’Âne d’or d’Apulée, et de L’Idiot de Dostoïevski.

À côté de l’âne, on trouve une jeune fille qui lui fait pendant. Leurs deux vies s’entremêlent et se croisent. Bresson a souligné la difficulté de construire un tel film, avec autant d’épisodes représentant allégoriquement des vices. Plus qu’un film à sketches, c’est un film où les groupes humains sont imbriqués, composé comme un tableau plus que comme un récit. Bresson et Godard voient tous deux le cinéma comme à l’agonie et déplorent la fin des arts. Au hasard Balthazar pourrait décrire allégoriquement cette trajectoire : la mort de l’âne est une mort sans rédemption, réduite à la charogne, à son animalité.

La dimension sociologique de ce film se trouve aussi au cœur de notre réflexion sur l’année 1966 ; on voit notamment comment, en France, la chanson cristallise la culture jeunes.