Amphithéâtre Guillaume Budé, Site Marcelin Berthelot
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Les réseaux hybrides infinis constitués de liaisons métal-ligand et construits à partir de connecteurs métalliques et de ligands pontants assembleurs sont appelés « polymères de coordination » ou « MOFs » (de l’anglais : Metal Organic Frameworks). Bien que certains d’entre eux, tel que le bleu de prusse, un cyanure de fer à valence mixte, aient été découverts par sérendipité dès le XVIIIe siècle (le bleu de Prusse fut découvert en 1704 par des coloristes allemands), ces matériaux suscitent depuis une quinzaine d’années un très fort intérêt dans les communautés scientifiques. En effet, la naissance de la chimie réticulaire à la fin des années 80 et la mise en œuvre par chimie douce d’une véritable ingénierie des polymères de coordination ont permis la découverte de nouveaux « MOFs », cristallins, fortement poreux avec des compositions chimiques très variées, puisque l’on peut modifier à l’infini la nature du cation métallique (Zn, Co, Cr, Fe, Cu, ...) et du ligand organique pontant. Ce dernier peut être anionique, neutre ou mixte (di- ou polyacides, di- ou polyamines etc.). Ces recherches ont ouvert un nouveau champ d’investigation, très riche en possibilités et en perspectives, dans lequel l’imagination du chimiste peut s’exprimer à son meilleur niveau.

Leur grande porosité, la taille ajustable des pores, la dynamique de certaines charpentes hybrides, la variété des topologies et des architectures accessibles confèrent aux MOFs des propriétés physiques remarquables qui permettent d’envisager des applications dans des domaines très divers. Cette leçon retrace l’histoire de ces polymères de coordination, tout en discutant leur mode de construction, les stratégies développées par les principales équipes du domaine et les principales propriétés physiques qui sont en cours d’étude. Parmi les nombreux polymères de coordination, nous avons centré notre propos sur les MOF à base de zinc et de ligand carboxylates ou imidazolates, les MIL (matériaux de l’institut Lavoisier) à base de carboxylates et de métaux de transition (fer, chrome, vanadium)et les PCPs (Porous Coordination Polymers) à base de cuivre, de zinc et d’une combinaison de ligands acide et basique (acide téréphtalique et triéthylène diamine). Ce choix nous a permis d’illustrer simplement les différents modes de construction à partir de cations isolés ou de clusters oxo-métalliques, la post-fonctionnalisation possible des matériaux obtenus, les interactions réseau hôte-molécule invitée et la dynamique de certaines charpentes hybrides générée au cours du processus d’adsorption. Dans le domaine de l’adsorption de gaz en particulier, les MOFs, MILs et autres composés sont des adsorbeurs performants car ils permettent de stocker de grandes quantités d’hydrogène, de CO2, de méthane. Bien que les résultats reportés dans ce domaine semblent très prometteurs pour la purification ou la séparation des gaz, ils donnent encore matière à de nombreuses polémiques. Une comparaison objective des différentes études met en évidence la nécessité de réaliser des tests normalisés car les processus d’activation de la porosité ne sont pas toujours optimisés, la taille et la morphologie des particules peuvent varier d’une étude à une autre ce qui modifie les surfaces spécifiques et l’accessibilité de l’adsorbat aux sites actifs des matériaux. D’autre part, et outre les conditions de température et de pression, le contrôle de la pureté des gaz utilisés (présence de traces d’eau) semble primordial afin de pouvoir réellement comparer les performances et stabilités de ces matériaux. Nous avons également insisté sur les possibilités offertes par ces structures poreuses hybrides dans lesquelles la taille, la forme, la fonctionnalité de surface des pores, et la longueur des canaux peuvent être ajustées sur mesure afin de développer une chimie en espace confiné permettant, par exemple, de mieux contrôler les processus de polymérisation pour obtenir des polymères organiques moins polydispersés en masse, stéréoréguliers ou présentant dans le cas des copolymères un séquençage plus homogène des différents monomères.

Au cours de cette leçon nous avons également présenté les nombreuses propriétés de ces polymères de coordination en insistant sur leurs propriétés catalytiques, leur sélectivité permettant d’élaborer des capteurs, et sur les récents développements réalisés dans le cadre des applications biomédicales. Ces nouveaux matériaux sont testés comme vecteurs thérapeutiques pour le relargage contrôlé de principes actifs et pour l’imagerie par résonance magnétique nucléaire. Aujourd’hui, certains MOFs sont synthétisés à l’échelle industrielle avec des productions de l’ordre d’une tonne par jour et commercialisés par les distributeurs de produits chimiques. La porte de cette caverne « d’Ali Baba » est ouverte, saurons nous exploiter intelligemment et à bon escient ses richesses ?