Salle 2, Site Marcelin Berthelot
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Les virus peuvent être considérés comme des ensembles supramoléculaires à base de nucléoprotéines qui ont évolué en nanomachines biologiques capables de se reproduire au sein des cellules et de se propager dans les cellules et les organismes. Un virus doit pouvoir reconnaître des cellules spécifiques, entrer et naviguer à l’intérieur, et subir les réarrangements conformationnels requis pour la libération productive de son génome. Après la réplication de ses composants macromoléculaires dans la cellule hôte, le virion doit pouvoir s’auto-assembler, mûrir en une entité infectieuse stable, naviguer à nouveau et sortir de la cellule et résister aux agressions physiques et chimiques sévères dans l’environnement extracellulaire. En réponse à tant de pressions de sélection, le processus aveugle de l’évolution du virus a réussi à sélectionner un ensemble remarquable de caractéristiques et de nombreuses fonctions complexes en structures nucléoprotéiques relativement simples. L’avènement récent des nanotechnologies a conduit à une prise de conscience croissante de ces possibilités et a permis de proposer de nouvelles approches pour l’élaboration de matériaux hybrides. Les virus naturels et leurs capsides n’ont pas tous les nombreuses propriétés et fonctionnalités requises, ou tout du moins elles ne sont pas toujours optimisées pour les applications envisagées. Ainsi, de nombreuses particules virales sont modifiées chimiquement et/ou génétiquement pour permettre leur utilisation en biomédecine, en biotechnologie ou en nanotechnologie. Dans le cadre de cette leçon, nous nous sommes essentiellement attachés à décrire la synthèse de matériaux hybrides à base de VMT (virus de la mosaïque du tabac) ou de VMCD (virus de la marbrure chlorotique du dolique [« haricot à œil noir »]). Par exemple, l’extérieur et l’intérieur des VMT peuvent être utilisés pour la synthèse de matériaux inorganiques par dépôt électrolytique de métaux. La surface intérieure du VMT est chargée négativement dans des conditions physiologiques, alors que la surface extérieure présente une charge positive. L’extérieur du VMT peut être fonctionnalisé par des minéraux variés (sulfure de cadmium, sulfure de plomb, oxyde de fer, silice, platine, or). La nucléation différentielle étant entraînée électrostatiquement, en conséquence de la différence des charges de surface, l’argent et le cuivre peuvent être incorporés à l’intérieur des canaux centraux des VMT. L’encapsulation de composés inorganiques dans les particules VMCD est aussi un domaine de recherche actif. Par exemple, le piégeage d’ions lanthanide luminescents ou de colorants fluorescents et de principes actifs dans les VMCD ouvrent de nouvelles voies permettant l’élaboration de nanovecteurs. Les réactions de minéralisation au sein des VMCD peuvent aussi être entraînées par voie électrostatique. La cavité intérieure fortement chargée positivement fournit une interface pour la nucléation d’espèces minérales anioniques telles que les tungstates et vanadates. Le même principe peut être utilisé pour internaliser des oxydes de titane ou des nanoparticules de bleu de Prusse. En outre, la substitution de tous les résidus basiques sur l’extrémité N-terminale de la protéine d’enveloppe avec de l’acide glutamique chargé négativement permet des interactions favorables avec des cations ferreux et ferriques dont la condensation conduit à la formation d’oxydes de fer magnétiques à l’intérieur de la capside. La fonctionnalisation externe de la capside avec des résidus porteurs de fonctions thiol permet la formation de composites à base de nanoparticules d’or. Ces stratégies de synthèse couplées ou non à d’autres procédés physiques (Atomic Layer Deposition [ALD], électrodépôt) ont déjà donné naissance à l’élaboration de dispositifs tels que des catalyseurs pour la réduction de l’eau oxygénée, des anodes nanocomposites présentant des capacités élevées (2 300 mAhg-1 au lieu de 372 mAhg-1 pour celle en graphite), des mémoires digitales pour la nanoélectronique, des nanofibres de VMT-polymère pour la réparation tissulaire neuronale.