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Les grandes incertitudes associées au bilan du carbone océanique obligent les géochimistes à rechercher d’autres méthodes pour estimer la séquestration océanique. Le carbone naturel contient environ 1 % d’isotope 13. Le rapport 13C/12C (δ13C) présente des variations dans les différents réservoirs du cycle du carbone. Ces différences sont dues à des fractionnements d’équilibre thermodynamique ou à des fractionnements cinétiques liés à la vitesse des réactions biologiques. Par rapport à l’énorme réservoir de l’océan profond, le CO2 atmosphérique est déficitaire en δ13C de − 7 ‰, et les carbones issus de la photosynthèse présentent des δ13C allant de − 20 à − 30 ‰. Par effet de bilan de la photosynthèse du plancton, le TCO2 dissous en surface est excédentaire en 13Cd’environ 1 à 2 ‰. La distribution océanique du rapport δ13C du TCO2 dissous suit logiquement les effets de la reminéralisation déduite du carbone total : corrélation positive entre le δ13C et la teneur en O2 et corrélations négatives avec les éléments nutritifs. Cette distribution stationnaire naturelle a été perturbée par l’injection de CO2 généré par la combustion des carbones fossiles et par la déforestation. Les deux sources sont issues de la photosynthèse, les charbons, lignites et hydrocarbures présentant des δ13C variés suivant leurs origines et âges géologiques.

À partir de mesures du δ13C du CO2 atmosphérique, directement dans l’air ou dans les bulles d’air occluses dans les glaces polaires, ou à partir de la cellulose des anneaux d’arbres, il est possible de quantifier la diminution progressive du δ13C atmosphérique liée aux émissions anthropiques. Cette anomalie d’environ − 1,5 ‰ depuis le XIXe siècle se propage dans l’océan et il est donc possible de la suivre par des mesures directes sur le TCO2 de l’eau de mer depuis les années 70 (campagnes GEOSECS) ainsi que sur des coraux massifs ou des éponges calcaires présentant des cernes annuels comme les arbres. Le δ13C de l’océan de surface suit celui de l’atmosphère avec un délai de quelques années. Depuis les années 80, des mesures saisonnières de la pCO2 océanique, du TCO2 et du δ13C sont réalisées pour plusieurs stations, notamment aux Bermudes et à Hawaii. Les évolutions parallèles des différentes espèces chimiques confirment la diminution progressive du δ13C et son utilité pour distinguer la propagation du carbone anthropique des effets naturels saisonniers liés à la productivité biologique et au mélange des masses d’eau.