Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
En libre accès, dans la limite des places disponibles
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Résumé

Si la précédente séance s’était placée sous le signe de la microstoria – à travers notamment une enquête de généalogie textuelle sur le système d’exergues du Fromage et les vers de Carlo Ginzburg – la suivante la poursuit en se consacrant toute entière à l’analyse intensive d’un seul épisode : le naufrage de la nef vénitienne de Pietro Querini en 1435, dont le dossier documentaire a été édité et traduit par Claire Judde de Larivière (Naufragés, Toulouse, Anacharsis, 2005). Après avoir débrouillé son intrigue narrative et exposé les enjeux propres à sa conservation documentaire, on s’attache à montrer que le naufrage met à l’épreuve la communauté politique des marins, qui réagissent « à la vénitienne », discourant, délibérant, votant et tirant au sort pour décider qui pourra être sauvés, certains devant rejoindre la chaloupe, les autres l’esquif. Cette fable de l’inégalité met également en jeu la question de l’altérité, puisque les naufragés sont confrontés dans le grand Nord de l’hiver boréal à une société d’abondance qu’ils identifient comme honnête et pure. Leur retour à Venise permet de poser une fois encore la question de l’accentuation italienne : pourquoi l’Italie médiévale est-elle si riche d’expériences politiques et de récits ?

Sommaire

  • Une histoire de naufrage : la nef Querina en 1432 (Claire Judde de Larivière, Naufragés, 2005)
  • Qui raconte cette histoire ? Le récit de Pietro Querini, celui de Nicolò de Michiel et Cristoforo Fioravante
  • Les Navigationi e viaggi de Giovanni Battista Ramusio, ou le savoir-pouvoir de la géographie (Fiona Lejosne)
  • Querini et les mangeurs de morue : la force du faux 
  • « Les petits faits vrais ne sont pas des débris de la vie, mais des signes, des emblèmes, des appels » (Maurice Merleau-Ponty, « Sur les faits divers », 1954)
  • « Compilation faite par Antonio, fils de Corado de Cardini de Florence, le 14 décembre, à partir du rapport de ser Cristoforo, homme du conseil, et de ser Nicolò de Michiel, écrivain de bord de la malheureuse coque Querina… » : la parole des survivants a-t-elle été sollicitée ?
  • Jonas, Paul, Ulysse : on n’échoue jamais seul
  • Naufrage avec spectateurs de Hans Blumenberg : la politique est un art de la survie
  • Navem pro republicam : ce qui sombre avec le navire, c’est la forme commune du gouvernement
  • Les ingouvernables : « En dernier recours, nous décidâmes de couper ce qui constituait la couronne, l’honneur et l’ardeur de la nef vaincue »
  • Pour saluer Jean Delumeau : la peur de la mer, ou la cité assiégée
  • Je pleure, nous sombrons : un écart dans la narration entre deux récits
  • Le regimen de Pietro Querini : « je m’adressai à eux en usant de mots justes »
  • Fonds publics et for privé : l’introspection dans les Relationi des ambassadeurs vénitiens
  • Novità, narration et expérience (Joël Blanchard, Giovanni Ciappelli et Matthieu Scherman éd., La Correspondance de Girolamo Zorzi. Ambassadeur vénitien en France (1485-1488), 2020)
  • « Nous décidâmes par un vote à main levée que si Dieu voulait apaiser la colère de la mer et du vent, nous embarquerions sur la chaloupe et l’esquif »
  • La chaloupe ou l’esquif ? Une décision à la vénitienne 
  • Discours, délibération, vote et tirage au sort : la culture embarquée de l’équipage
  • « Cet avis ne fut toutefois pas suivi, car quarante-cinq hommes choisirent l’esquif qui ne pouvait en embarquer que trente » : concordance et discordance des récits
  • Vox populi vox Dei ? La raison du plus grand nombre 
  • Une expérience éminemment politique (Yves Sintomer et Claire Judde de Larivière)
  • « Une faim bestiale et enragée » : d’autres radeaux de la Méduse
  • Au nord de la Norvège, l’archipel des Rofoten et l’île de Røst
  • « Supprimer les motifs de discorde » : partager le marsouin échoué
  • Culo mundi ? La désorientation et l’hospitalité des schiavoni de l’hiver boréal (Frédérique Laget)
  • « Nous naviguâmes entre des îles, empruntant de nombreux canaux » : quand le Vénitien retrouve sa terra
  • Une société d’abondance honnête et pure
  • Histoire émotive de la blancheur (Anne Lafont)
  • « En vérité nous pouvons dire que du 3 février jusqu’au mois de mai 1432 nous avons demeuré dans le premier cercle du paradis, loin de la confusion et de l’opprobre des mœurs italiennes »
  • Un épilogue vénitien : qui sont les onze survivants ?
  • La chaloupe et l’esquif, ou la fable de l’inégalité