Dans la deuxième leçon, nous avons cherché à répondre à quelques questions fondamentales : quelle est l’information optimale que l’on peut obtenir à partir de mesures effectuées sur une copie unique d’un système quantique ? Comment peut-on quantifier cette information ? De façon plus générale, que peut-on dire d’un système si l’on dispose d’un nombre N fini de copies ? Comment l’information sur l’état du système augmente-t-elle avec N ? Ce problème rappelle celui de l’estimation d’une variable aléatoire en théorie des probabilités classiques. Il s’agit d’inférer, à partir du résultat des mesures, la valeur des paramètres qui définissent l’état. Nous avons commencé la leçon par un rappel sur la théorie classique de l’information en présentant le concept d’information de Fisher, la limite de Cramer Rao et la méthode d’estimation par maximum de vraisemblance. Sous sa forme la plus simple, la théorie de l’estimation classique conduit à associer à tout résultat de mesure x d’une variable aléatoire X obéissant à une loi de probabilité p(x|θ) dépendant d’un paramètre a priori inconnu θ un estimateur θ(x) de ce paramètre. La variance de θ(x) moyennée sur un grand nombre de mesures représente la précision de l’estimation. Si la moyenne de θ(x) sur un nombre infini de mesures correspond à la vraie valeur du paramètre θ, l’estimateur est dit « non-biaisé ». La précision d’un estimateur non-biaisé est bornée inférieurement (borne de Cramer Rao) par la quantité 1/I(θ) où I(θ), appelée information de Fisher, est égale à la valeur moyenne du carré de la dérivée par rapport à θ du logarithme de la fonction de vraisemblance p(x|θ). Plus l’information de Fisher est grande, plus petite est la borne inférieure de la variance de l’estimation, autrement dit plus la loi statistique contient d’information potentielle permettant d’estimer θ. Une estimation est optimale si sa variance atteint la borne de Cramer Rao. À partir de ces propriétés, nous avons montré l’additivité de l’information de Fisher associée à des mesures indépendantes effectuées sur un ensemble de N systèmes identiques, qui conduit immédiatement à la variation bien connue en 1/√N de l’écart type de l’estimation optimale du paramètre θ lorsqu’on effectue N mesures de la variable aléatoire. Nous avons ensuite introduit l’estimateur θ(x) basé sur le principe de maximum de vraisemblance, qui correspond à la valeur de θ annulant la dérivée de la fonction de vraisemblance par rapport à θ et nous avons montré que cet estimateur est optimal à la limite d’un nombre de mesures infini. Nous avons terminé ces rappels en les illustrant par un exemple simple, celui d’une statistique binomiale (tirage à pile ou face) en montrant que les propriétés bien connues de cette statistique se retrouvent simplement à partir d’une analyse basée sur l’information de Fisher.
Dans la suite de cette leçon, nous avons appliqué ces considérations générales à l’estimation de l’état d’un qubit, le problème de l’estimation étant présenté comme un « jeu quantique » dans lequel un joueur (Alice) présente à un autre joueur (Bob) N copies du même qubit et lui demande d’effectuer des mesures sur ce système et d’en déduire une estimation de l’état du qubit. Le score obtenu par Bob après chaque donne est égal au carré du produit scalaire de l’état proposé par Alice et de celui estimé par Bob. Le score final du jeu est la moyenne des scores sur un nombre très grand de donnes. Les questions auxquelles nous devons répondre sont, d’une part, quel est en fonction de N le score maximal possible ? Et d’autre part, quelle stratégie de mesure permet d’atteindre cette limite ? Nous avons montré que le score optimal est égal à (N + 1)/(N + 2) et que ce score ne peut être atteint par des mesures individuelles sur les qubits, mais requiert une stratégie de mesure collective. Avant de démontrer ce résultat général, nous avons envisagé des stratégies de mesures successives des qubits portant sur une, deux ou trois composantes associées aux matrices de Pauli σx, σy, σz dans les cas N = 1, 2 et 3, puis et à la limite où N tend vers l’infini, la mesure de N/3 qubits le long de chacune des trois directions Ox, Oy ou Oz (mesure dite tomographique). Nous avons montré que le score était alors une fonction croissante de N, mais qu’il était toujours inférieur à (N + 1)/(N + 2). La dernière partie de la leçon a été consacrée à démontrer que (N + 1)/(N + 2) constitue bien le score optimum. Nous avons commencé par décrire une procédure de mesure collective par POVM des N qubits permettant d’atteindre cette limite, puis nous avons montré que cette valeur ne peut être dépassée en envisageant les mesures collectives les plus générales possibles et en établissant une borne supérieure du score basée sur une méthode variationnelle.