Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

Si les critiques que Paul Valéry dut essuyer durant les années 1920 portèrent sur la valeur commerciale de son travail (le rapport entre le travail effectif et le prix des publications), elles concernèrent aussi sa valeur intellectuelle. Cette offensive contre l’œuvre elle-même, qui trouve des échos encore de nos jours, se déploya notamment contre les recueils poétiques et provint essentiellement du néoclassicisme et de l’extrême-droite, deux mouvements souvent liés alors.

Ainsi Henri Clouard compara-t-il les écrits de Valéry au baroque de Gongora, et Alfred Droin à « un vase vide ». On accusa l’impuissance créatrice de Valéry.

En 1925, l’élection de Valéry à l’Académie française se fit de justesse : tout un clan conservateur s’opposait à lui. Dans ses remerciements de 1927, Valéry ranima d’autant plus les polémiques qu’il entreprit un persiflage à peine voilé de son prédécesseur, Anatole France. Même Albert Thibaudet fit un éloge ambigu ou, à tout le moins, maladroit de l’accession de Valéry à l’Académie en qualifiant cet événement de « funiculaire » du « pic Mallarmé » : une façon imagée de rendre compte de l’accès aux difficultés de Mallarmé que permettait Valéry, mais aussi d’une certaine dégradation de l’idéal poétique.

Par la suite, des périodiques comme L’Œuvre ou L’Action française s’acharnèrent contre l’hermétisme de la poésie de Valéry, devenu désormais un lieu commun de la critique littéraire, hermétisme qui coûta peut-être le prix Nobel de littérature.

Ainsi les arguments contre Paul Valéry, de son vivant, furent-ils de trois types :
1) l’impuissance : Valéry écrirait trop peu et ferait l’objet de trop d’éditions ; adepte du pastiche (un aspect assumé dans La Jeune Parque), il manquerait de puissance créatrice ;
2) l’hermétisme de pacotille : Valéry cacherait des choses fort simples derrière un hermétisme artificiel et snob : il profanerait la vocation sublime de la poésie en en faisant un simple travail sur le langage, un repaire d’énigmes de mots croisés ;
3) Valéry ne serait qu’un sous-Mallarmé, « un rare pour tous » (Le Crapouillot) : Léon Daudet estimait qu’il n’était que le « cimetière marin » de Mallarmé.

Évidemment, ces arguments se contredisent : on accuse Valéry à la fois d’être obscur et d’être trop facile. Mais ce sont autant d’arguments qui se trouvèrent concentrés dans le Traité du style d’Aragon en 1928, et furent régulièrement repris dans les années 1940 et 1950. Aragon compare notamment la littérature de Valéry à l’affaire Thérèse Humbert, qui avait défrayé la chronique au début du XXsiècle – une sorte de Panama poétique, une valeur montée sur du vide.