Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
En libre accès, dans la limite des places disponibles
-

Président de séance : William Marx

Résumé

Dans son « Inleyding tot de hooge schoole der schilderkonst » (Introduction à la haute école de l’art de peinture, 1678), le peintre et théoricien de l’art néerlandais Samuel van Hoogstraten propose de défendre le statut libéral de la peinture en soulignant que cette dernière est structurée comme un langage. Il constate qu’elle possède « une grammaire », qu’autant que « la dialectique » et « la rhétorique », elle « relève […] de l’entendement » et, surtout, que, « même dit muet », l’art de la peinture parle « néanmoins abondamment, d’une façon hiéroglyphique » (p. 346). Le discours porté par l’image ne présente pas, en effet, la même clarté et la même distinction que le discours porté par le texte.
À la manière des hiéroglyphes égyptiens, les signes présentés par une image ne véhiculent leur signification que de façon voilée, par l’entremise d’un code, volontiers mystérieux quand il n’est pas mystique, que le peintre a pour tâche de constituer et le spectateur de déchiffrer. « Pour orner une œuvre simple de la façon la plus estimable, écrit encore Van Hoogstraten, le mieux est d’ajouter, ce qui peut se faire de diverses façons, une partie accessoire qui explique les choses de façon voilée. Un symbole fait de figures ou d’animaux réunis servira alors à dévoiler des passions et des émotions, à la façon d’un texte connu et lisible » (p. 90). Il enchaîne en écrivant que « les Égyptiens, les Chinois, les Japonais et les Mexicains ont écrit leurs livres avec des symboles en lieu et place des lettres. Et cette façon de représenter est également parvenue jusqu’à nous avec l’art de peinture » (p. 90).
La place centrale du modèle idéogrammatique et, en particulier, de la langue hiéroglyphique, s’est progressivement affirmée dans l’art néerlandais, à partir de la fin du Moyen Âge, pour devenir un élément essentiel de l’imaginaire allégorique des peintres hollandais du XVIIe siècle, mais aussi — et ce sera le propos de cet exposé — de leurs pratiques symboliques : il s’agit, comme « les Égyptiens, les Chinois, les Japonais et les Mexicains », de faire de l’image le lieu d’un discours suffisamment fermé pour demeurer secret et suffisamment ouvert pour faire l’objet d’interprétations possibles. Parmi les artistes qui ont le plus régulièrement souligné leur attachement à ce type de discours visuel, proche de celui de l’énigme, figure Johannes Vermeer, qui a peut-être connu Van Hoogstraten — il possédait deux de ses tableaux —, et dont l’étude de quelques œuvres nous permettra de décrire la langue « hiéroglyphique ».

Jan Blanc

Jan Blanc

Jan Blanc est spécialiste des théories et des pratiques artistiques dans le nord de l'Europe (Pays-Bas, France et Grande-Bretagne), en particulier durant le XVIIe et le XVIIIsiècle. Il travaille actuellement sur la naissance de la littérature artistique en français entre la fin du XVIsiècle et le milieu du XVIIsiècle, et prépare un livre sur Rembrandt.

Intervenants

Jan Blanc

Université de Genève