Síofra O'Leary est invitée par l'assemblée du Collège de France sur proposition de la Pr Samantha Besson.
Résumé
Le thème de mon intervention – Quel avenir pour la Cour européenne des droits de l’homme ? – a pour but d’inspirer la réflexion en ces temps troublés en Europe, marqués par la guerre qui fait rage en Ukraine, le recul de l’État de droit, l’érosion démocratique et la polarisation sociétale rampante dans nos sociétés.
Mon intervention consistera, d’une part, à mettre en lumière les principaux développements que la Convention a connus dans le passé, en retraçant la manière dont la jurisprudence de la Cour a contribué à la protection de l’ordre public européen (I) et, d’autre part, à expliquer les défis du présent, en particulier le nombre élevé et croissant d’affaires pendantes, le caractère systémique ou répétitif d’un grand nombre de violations de la Convention et l’élargissement du contentieux auquel la Cour est confrontée, ainsi que les problématiques liées aux conflits qui ont lieu actuellement à l’intérieur de l’espace juridique de la Convention (II). Enfin, je tenterai d’offrir quelques éléments importants de réflexion ou de vision pour l’avenir (III).
Si le but du Conseil de l’Europe et du système conventionnel est d’« instaurer un ordre public communautaire des libres démocraties d’Europe afin de sauvegarder leur patrimoine commun de traditions politiques, d’idéaux, de liberté et de prééminence du droit » (voir Autriche c. Italie), il convient de se demander si, aujourd’hui, nous permettons au système conventionnel et à la Cour de Strasbourg d’exercer la fonction essentielle qui est la sienne au sein de l’Europe.
Alors que la question de l’avenir de la Cour de Strasbourg a suscité de nombreux débats institutionnels et académiques dans le passé, il me serait difficile de dresser en une seule intervention le bilan des différentes propositions et prédictions, et je ne tenterai pas de le faire.
Mon intention sera simplement de m’appuyer sur une vue d’ensemble des succès et des défis du passé et du présent afin d’inviter l’auditoire à une réflexion plus profonde et plus authentique sur la voie à suivre pour le système de la Convention et pour la Cour, une voie adaptée aux besoins de nos démocraties.
Je ne chercherai pas à remettre en question les diverses réformes introduites avant et pendant le Processus d’Interlaken, ni, surtout, le droit de recours individuel qui constitue la pierre angulaire du système de la Convention. Cependant, je marcherai sur les traces de certains de mes prédécesseurs à la présidence de la Cour, y compris le président Costa, en appelant à une réflexion sur le rôle futur de la Cour européenne des droits de l’homme qui aille au-delà de simples questions concernant les solutions pragmatiques à des problèmes conjoncturels (parfois relevant du « rafistolage »), les ajustements des formations judiciaires, la gestion des affaires et de la procédure, et ainsi de suite.