Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Le cours du 10 mars a été l’occasion de faire une pause intégrant une première synthèse des éléments rassemblés. Repartant du « Je n’ai pas voulu cela » wilhelmien, on a consacré la première heure à une reprise générale et une orientation. Remettre l’agent et le sujet – l’ὑποκείμενον et l’ὑπόστασις, le sujet de la khrêsis, le « sujet d’usage », κεχρημένος – au centre du problème de l’agence, c’est déterminer comment le sujet d’attribution devient suppôt d’actions : le problème directeur de l’archéologie du sujet. Rappelant la distinction de deux modèles métaphysiques concurrents appliqués par les médiévaux, et au-delà, aux divers aspects de la vie psychique, le modèle augustinien de la périchorèse (ou immanence mutuelle) et le modèle aristotélicien de la subjectité (le rapport substance-accident), on a annoncé que le reste du cours serait pour l’essentiel centré sur le modèle d’Aristote. De là, on a fait retour sur la « source syriaque » évoquée le 6 janvier, en abordant cette fois l’œuvre époquale de Némésius († vers 420), évêque d’Emesa (l’actuelle Homs) : le Περὶ φύσεως ἀνθρώπου, synthèse de l’anthropologie antique et premier médiateur des Éthiques d’Aristote. Après avoir présenté les versions latines d’Alfano de Salerne (seconde moitié du xie siècle) et de Burgundio de Pise (vers 1165), on s’est arrêté sur la théorie némésienne de l’action, en commençant par sa définition de la praxis : Πρᾶξίς ἐστιν ἐνέργεια λογική et ses traductions latines (gestio est actus rationalis), françaises (dont Thibault, 1844 : L’acte est l’exercice intelligent d’une fonction) et anglaises (Action is rational activity). On a ensuite repris la distinction entre le volontaire et l’involontaire, avant d’examiner la postérité de Némésius : le De fide orthodoxa de Jean de Damas, et de confronter les diverses notions impliquées dans les traductions des deux œuvres : action, acte et gestion. On a ensuite traité de la rationalité de l’action humaine et du fondement de l’ascription (imputabilité) dans l’éthique aristotélicienne, en présentant en détail la thèse de Némésius qui en est l’interprétation la plus fidèle : on ne peut attribuer les actions humaines ni à Dieu, ni à la nécessité, ni au destin, ni à la nature (φύσει, naturae), ni à la fortune (τύχῃ, eventui), ni au hasard (οὔτε τῷ αὐτομάτῳ, neque casui). On ne peut attribuer les actes de l’homme qu’à lui seul : il en est le principe et les accomplit librement. On a ensuite montré, en s’appuyant sur une analyse serrée du chapitre περὶ τοῦ ὅτι ἐστὶν ἐφ’ ἡμῖν τινά (De eo quod sunt quaedam in nobis), comment, à partir de Némésius, on passait de la notion d’agent responsable à celle de sujet responsable. On a, à ce propos, souligné l’importance du principe d’immanence causale (PIC) : « Ce dont le principe est en nous, il est en notre pouvoir de le faire ou de ne pas le faire. »