Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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L’édit des Tanzimat avait fait sensation non seulement parce qu’il modifiait de manière radicale la tradition politique de l’empire, mais surtout parce qu’il promettait l’application de ces dispositions à tous les sujets du sultan, « de quelque religion ou secte qu’ils puissent être ». Aux yeux de l’Europe, qui considérait depuis longtemps que les populations non musulmanes – lire chrétiennes – de l’empire vivaient sous le joug et l’oppression de l’islam, cette provision avait fait entrevoir l’espoir de voir les rayas (tributaires) atteindre un jour un statut d’égalité avec les musulmans. L’idée d’égalité, elle-même de récente invention en Europe, était fort étrangère à la culture politique ottomane qui reposait au contraire sur des inégalités gérées par une notion de justice (adalet), qu’il faut comprendre dans le sens d’équité. En effet, selon le « cercle de justice » (daire-i adliye) que les Ottomans prenaient pour principe de base de leur politique depuis le XVIe siècle, c’était précisément l’équité/justice dispensée par les dirigeants qui justifiait leur autorité sur le « troupeau » (reaya).

Si l’édit des Tanzimat amenait une modification de principe des relations entre l’État et ses sujets, la question de l’égalité des non-musulmans avec les musulmans restait encore en suspens, notamment aux yeux des représentants des « grandes puissances » qui restaient sceptiques au sujet de l’application des mesures proposées dans cet édit. Néanmoins, il était clair que la porte de réformes plus radicales avait été entrouverte ; beaucoup tentèrent de profiter de cette situation pour promouvoir des projets de réforme et de régénération plus ou moins raisonnables. C’est dans ce contexte que nous nous sommes penchés sur un cas très particulier, resté inconnu à ce jour, celui du docteur Barrachin. Chirurgien-dentiste et ancien officier de l’armée napoléonienne, ce fascinant personnage avait, après maintes aventures en Iran et un court service dans l’armée d’occupation française en Algérie, atterri en 1838 à Constantinople, où il avait réussi à se faire recruter par le célèbre Mustafa Reşid Pacha en tant que conseiller.