Salle 2, Site Marcelin Berthelot
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EU Citizenship - © D.R.

La reconnaissance du statut juridique de l’individu en droit communautaire ne différait pas à l’origine du statut juridique équivalent en droit international. Depuis un demi-siècle, toutefois, l’idée de citoyenneté européenne gagne du terrain.

L’idée de citoyenneté de l’Union européenne (UE) est née en réaction à l’absence d’identité européenne, suivant en cela un raisonnement qui liait la poursuite de l’intégration à une plus importante implication des citoyens des États membres dans la vie de l’Union. Comme celle-ci, toutefois, la citoyenneté européenne était, dès le début, animée par des desseins antithétiques. Afin de renvoyer aux calendes grecques les questions épineuses liées à la répartition – entre États membres et institutions européennes – de la compétence de déterminer les critères d’acquisition et de perte du statut de citoyen européen, la solution de facilité a été de conférer à la citoyenneté européenne un caractère dérivé. Une personne accède à la citoyenneté de l’UE par le biais d’un autre statut : celui de ressortissant d’un État membre aux fins dapplication des traités. Les États membres ne sont cependant pas entièrement autonomes dans l’exercice de leur compétence de décider qui a accès à ce statut, comme le démontre la limite posée par la protection contre le risque d’apatridie en droit international. De la « vente » de la citoyenneté européenne aux affaires concernant la citoyenneté à la suite du Brexit, le caractère dérivé de la citoyenneté de l’UE démontre que ce statut est en porte-à-faux. Exposer ce déséquilibre constituera le premier objectif de cette conférence.

Son second objectif sera d’interroger la nature de l’objet. La citoyenneté européenne est en effet une forme particulière de status civitatis qui diffère de sa forme juridique ordinaire, une forme que nous sommes habitués à considérer comme équivalente à celle de nationalité. Pourtant, son principe même la distingue : les différentes positions juridiques associées à la citoyenneté de l’Union reposent en effet sur l’interdiction de la discrimination fondée sur la nationalité, alors que la différence de traitement fondée sur la nationalité est une caractéristique essentielle de l’ordre international. Même si l’introduction du principe de nationalité n’est advenue que tardivement en droit international, la pratique de la citoyenneté a fini par être comprise en termes de nationalité, avec des difficultés importantes dans les contextes coloniaux, ce qui présuppose la justification d’une différence de traitement. Le principe même de la citoyenneté de l’Union est donc atypique.

Faut-il en conclure que ce statut sui generis n’est pas une véritable citoyenneté ? Et comment peut-on le savoir ? Le dernier objectif de cette conférence sera d’établir une méthode permettant de répondre à ces questions. Jusqu’ici, la théorie de la citoyenneté dominante chez les juristes a abordé ce statucomme susceptible d’être rempli de toutes sortes de contenus. Il s’agira ici d’en proposer une autre théorie. La conférence visera à montrer que le fait que la citoyenneté varie d’un système juridique à l’autre ne nous empêche ni d’étudier cette même variation, ni d’évaluer la cohérence d’un changement de la pratique juridique en matière de citoyenneté avec le cadre constitutionnel dans lequel elle s’inscrit. L’espoir sera ainsi d’offrir un état des lieux de la citoyenneté européenne et quelques outils de travail ouvrant de nouvelles perspectives sur ce statut fondamental et souvent encore mal compris.

Patricia Mindus est invitée par l’assemblée du Collège de France sur proposition de la Pr Samantha Besson, dans le cadre des accords bilatéraux du Collège de France.