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L'anthropologie sociale a toujours inclus la nature et les animaux dans son champ d'étude, puisque toute société entretient toujours avec eux des relations matérielles ou idéelles, et qu'ils sont ainsi partie intégrante des communautés humaines. Or, depuis deux ou trois décennies, l'exploration des relations entre hommes et animaux s'est développée au point de constituer un domaine spécialisé de recherche. Ce phénomène peut utilement faire l'objet d'un retour réflexif des anthropologues sur leurs propres travaux. Il n'est pas douteux que cet intérêt récent soit un effet de la conjonction, dans les sociétés occidentales, entre un certain appauvrissement de la fréquentation et de la connaissance des animaux, et un développement des sciences du vivant, notamment des approches éthologiques et cognitivistes, qui étendent volontiers la culture au règne animal. Les différences entre hommes et animaux tendent ainsi à s'estomper, d'où une reviviscence de réflexions philosophiques et de préoccupations morales qui avaient inspiré les premiers mouvements de protection des animaux aux XVIIIe et XIXe siècles, mais avec des orientations et des arguments sensiblement différents. Peut-on alors parler d'un ‘tournant animaliste', entendu à la fois comme position politique et morale de défense des animaux, et comme position épistémologique postulant une continuité entre hommes et animaux en donnant à ces derniers une subjectivité ou une « agency » ? Ces deux perspectives sont-elles nécessairement liées ? Jusqu'à quel point l'intérêt pour « l'Animal » contribue-t-il à la connaissance des animaux autant que des hommes en société, à la connaissance de la diversité et de la complexité de la cohabitation des vivants ? Peut-il constituer un objet d'étude à part entière ? Les approches méthodologiques sont-elles orientées, et si oui comment, par les formes d'engagement autour de ce qu'on appelle aujourd'hui « la question animale » ? Débouchent-elles sur des positions métaphysiques qui articuleraient de façon nouvelle les formes du vivant ? Ce colloque ne se propose pas d'ajouter une contribution aux nombreux événements et travaux qui se sont multipliés durant cette dernière décennie sur le thème « l'Homme et l'Animal » ou, moins souvent, « les hommes et les animaux ». Il veut au contraire les mettre en perspective, en adoptant un détour réflexif sur le sens, les implications et la portée de ces thèmes, dans les sociétés contemporaines et dans l'anthropologie elle-même, considérée dans ses frontières avec la philosophie, les sciences cognitives, la morale et la politique.