Salle 5, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

Les dommages provoqués par la crise financière de 2008-2010 ont affecté des millions de personnes qui ont vu leurs économies et investissements réduits à néant, et ont également perdu leur maison et leur travail. La nature et la gravité des pertes au moment culminant de la crise, encore aujourd’hui, illustrent comment même les personnes les plus prudentes, vivant modestement et s’efforçant d’épargner pour assurer leur future sécurité financière, se retrouvent à présent dans une situation de vulnérabilité permanente face aux décisions des grandes institutions financières. La question pressante est de savoir comment mieux protéger les parties prenantes les plus vulnérables sur les marchés financiers. Il est non seulement important, mais également opportun, d’étudier le problème sous l’angle de l’équité.

La crise financière a révélé les défaillances des marchés financiers, au niveau de leur fonctionnement, transparence et responsabilité. Dans les pays développés, avec le démantèlement des régimes de retraite subventionnés par l’employeur, les gens ont dû prendre des décisions pour investir leur épargne retraite. Cependant, un grand nombre de ces investisseurs ne disposent pas des informations, des compétences et du temps nécessaires pour prendre des décisions éclairées. À l’origine, les marchés ont été conçus pour des personnes pouvant se permettre de perdre leurs investissements, et non pour des gens cherchant à faire des placements sûrs pour l’avenir. Même si le but explicite de la réglementation des marchés financiers n’est pas de distribuer la richesse, les règles et pratiques observées par ces marchés ont eu des conséquences directes et indirectes sur cette distribution. Étant donné que nous sommes à présent profondément impliqués dans les marchés financiers, il importe que ceux-ci soient aussi équitables que possible.

Il est difficile de traduire et de restituer avec exactitude le terme anglais « fairness » en français ; ce terme englobe à la fois les notions d’« équité » et de « justice ». Dans le domaine de la politique des marchés financiers, cela signifie : approfondir notre compréhension de ces marchés en prenant en compte les points de vue d’autrui et en se fixant comme finalité d’aboutir à une situation plus équitable. Les façons dont nous réagissons à des situations justes ou injustes comportent à la fois un aspect physiologique et un aspect social. L’aspect physiologique lié à la notion d’équité trouve son origine dans le cerveau. La recherche en neurosciences cognitives, même si elle n’en est qu’à ses débuts, laisse penser que chez l’individu, la définition de l’équité résulte d’une interaction complexe entre les substances chimiques du cerveau, telles que l’ocytocine, générant des réactions instinctives à la justice ou l’injustice [1]. Notre cerveau réagit positivement à un traitement juste ou équitable, en activant un système de récompense ; de même, nous réagissons négativement à des situations inéquitables ou injustes [2]. Ainsi, les travaux empiriques menés par Fehr et Schmidt révèlent que les individus sont prêts à renoncer à certains avantages matériels pour rendre les choses plus justes et équitables [3]. Cette définition élémentaire de l’équité subit par ailleurs des influences sociales. Il semble que plus grande est la distance entre le décideur et la personne victime d’injustice, moins le cerveau est sensible au préjudice causé à autrui, notamment parce que l’environnement social a le pouvoir d’altérer les substances neurochimiques et donc de modifier les systèmes de récompense [4]. Cette découverte pourrait permettre d’expliquer pourquoi les intermédiaires financiers et négociants de produits dérivés, lorsqu’ils ont mis en œuvre leurs stratégies à haut risque, ont choisi d’ignorer le préjudice causé à la sécurité financière de centaines de milliers de personnes, bien loin de leur réalité quotidienne.

Références