Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Diffamation et duel sont des figures qui traversent le XIXsiècle et qui mériteraient d’être étudiées de manière plus approfondie dans leur rapport avec l’événementialité littéraire. Jules Janin est un représentant éminent des poursuites en diffamation : il poursuit Félix Pyat pour son Chiffonnier de Paris et le fait mettre en prison ; poursuit le Corsaire-Satan et le fait mourir ; poursuit Banville et le condamne à l’amende. Du côté du duel, il faut retenir le duel au pistolet d’Armand Carrel, directeur du National, et Émile de Girardin, directeur de La Presse, en 1836, qui marque de manière symbolique la lutte de deux générations de la presse. Carrel y trouve la mort à 35 ans. Il faut retenir aussi le duel célèbre d’Alexandre-Honoré Dujarrier, gérant de la Presse de Girardin, amant de Lola Montès, avec Jean-Baptiste Rosemond de Beauvallon, rédacteur du Globe, où Dujarrier trouve la mort : ici encore s’opposent deux conceptions de la presse, l’une plutôt industrielle, l’autre indépendante.

Le duel de Dujarrier et de Rosemond de Beauvallon est l’occasion de donner leurs pendants féminins aux différentes figures masculines rencontrées au long du cours. Qui sont ces guerrillères, répondantes ou figures accompagnatrices des littérateurs spadassins ? Ce sont d’abord les actrices, Lola Montès en tête, dont la collusion avec les journalistes a souvent été notée, parfois décriée comme une forme d’abus de position dominante des journalistes sur les actrices dont ils pouvaient faire et défaire la réputation. Coralie et Florine autour de Lucien, dans Illusions perdues, la Fanfarlo au côté de Samuel Cramer chez Baudelaire, Mademoiselle Mariette aux côtés de Gérard chez Champfleury : elles constituent une figure importante de la fiction romanesque. Le procès de Rosamond de Beauvallon, meurtrier de Dujarrier, révèle le lien sociologique des actrices et des journalistes : de très nombreuses parmi elles comparaissent au palais de justice de Rouen pour rendre compte de la soirée fatale qui a conduit au duel. Le duelliste survivant finit par être acquitté, son avocat ayant plaidé qu’il n’y avait pas de législation suffisamment explicite sur le chapitre du duel pour pouvoir le condamner.