Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Une scholie aux Dialogues des courtisanes du satiriste Lucien de Samosate décrit avec un degré de détail inusité des manipulations rituelles accomplies pendant les Thesmophories. Cette glose byzantine est probablement fondée sur un texte d’érudit de la période hellénistique, qui a également inspiré, dans le Protreptique, Clément d’Alexandrie et ses diatribes contre les mystères païens. Elle décrit la précipitation de porcelet dans des cavités appelées megara, avec des branches de pin et des symboles sexuels en pâte à pain, que des « puiseuses » remontent quand le tout s’est décomposé. Ce compost est ensuite sacralisé sur des autels et mélangé aux semences de l’année pour l’obtention de bonnes récoltes. Toute l’opération est vue comme « symbole de la naissance des fruits de la terre et de celle des humains, en action de grâce pour Déméter ». L’analyse de cette réflexion érudite atteste l’origine probablement athénienne de la description et pose le problème du dévoilement du secret féminin normalement indicible.

Dans un autre registre documentaire, c’est aussi la question de l’entre-soi féminin du rituel qui est exploitée par la comédie d’Aristophane intitulée Femmes aux Thesmophories. Les indices proprement rituels qui traversent la pièce font surgir l’usage de torches allumées, la mise en place d’abris provisoires pour accueillir les femmes par petits groupes, l’offrande sacrificielle de gâteaux et de pains, des prières dont les destinataires divins dessinent la portée de la fête, le dévoilement de rites secrets successifs, jusqu’à l’épiphanie attendue des deux déesses Thesmophores. Quant aux participantes responsables de la fête, d’autres volets de la documentation attique – décret d’un dème et discours d’orateurs – atteste qu’au IVe siècle avant notre ère deux femmes par dème étaient responsables de la célébration au titre d’archousai, avec la prêtresse, et que les maris nantis étaient supposés, à cette occasion, régaler les participantes au nom de leur femme légitime. Des bonnes récoltes aux beaux enfants, en passant par l’affirmation du statut des épouses de citoyens, on voit se dessiner autant d’éléments constitutifs des Thesmophories athéniennes.